UNE PRATIQUE MECONNUE
C’est un fait démographique avéré : la population en Polynésie française, comme dans tout pays développé, vieillit. Dans la structure familiale traditionnelle polynésienne, qui perdure encore dans les îles éloignées, la solidarité des générations entre elles efface le souci du vieillissement des aînés, accompagnés par la famille dans leur fin de vie. Mais cette structure familiale s’effrite à Tahiti, Moorea, Raiatea et Bora Bora, les îles les plus urbanisées. Certains « héritiers » ont tout simplement quitté leur île, ou même la Polynésie pour un autre pays (1 jeune sur 10*). Les liens se sont parfois tant distendus que les matahiapo, veufs parfois, se retrouvent seuls (13% de la population*).
Se pose alors la question de leurs dernières années, en résidence spécialisée, mais aussi la destination finale de leur bien.
En métropole, la pratique du viager est connue, même si le nombre de transactions annuelles,
de l’ordre de 5000, reste confidentiel. En France métropolitaine, il est peu intéressant pour un investisseur, surtout en période de crédits bas. La situation en Polynésie est un peu différente, notamment en raison de la rareté des biens et des terres disponibles. N’oublions pas que nous étions 110 000 habitants il y a 50 ans, et que, même si la population polynésienne, hors apports extérieurs significatifs, va se stabiliser aux alentours de 300 000 habitants d’ici 2035, elle vieillit.
Les problèmes sanitaires connus (maladies cardio-vasculaires, diabète, obésité, maladies neuro-dégénératives, sédentarité engendrant des problèmes d’autonomie) vont provoquer des besoins financiers plus importants pour les seniors (soins d’accompagnement, équipements, confort) que pour les générations passées. Or, les retraites perçues ne couvriront pas, pour beaucoup, l’ensemble des besoins. Alors, au lieu de vendre purement son bien (ou garder sur les bras un bien indivis), le viager peut-il apparaître comme une solution viable ?
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Le viager peut avoir plusieurs formes
Le viager consiste à vendre un logement à une personne, le débirentier (celui qui paie) en échange du versement mensuel d'une rente jusqu'au décès imprévisible (ne vous offensez pas, nous finirons tous par
y arriver) du vendeur, le crédirentier (celui qui reçoit).
La vente peut se faire en viager libre ou occupé.
Dans le cas du viager libre, le débirentier dispose librement, dès la signature de la vente, du bien pour l'occuper ou le louer. Dans le cas du viager occupé, la vente est assortie d'une réserve d’usufruit : l’usage du bien est conservé au profit du vendeur. Le vendeur peut ainsi louer le bien et percevoir des loyers s’il décide de le louer (par exemple, suite à un départ en maison de retraite). Le logement ne pourra être occupé par l'acquéreur qu’à partir du décès du vendeur.
Comment sont calculés le prix et les montants de rente ?
Avant de payer une rente mensuelle, l’acquéreur verse généralement (c’est habituel, mais sans obligation) une partie du montant total du bien dont la valeur a été définie par un notaire et qu’on appelle le bouquet. Lorsqu'il existe, son prix est librement fixé par les parties. En général, le bouquet équivaut à 30%de la valeur totale du bien. Le bouquet est la partie du prix payée comptant à la signature du contrat de vente. Comme toutes les ventes de biens immobiliers, la vente en viager exige l'intervention d'un notaire pour signer l'acte de vente.
La rente correspond à la valeur réelle du bien.
Elle peut être mensuelle, trimestrielle ou annuelle et payable d'avance ou à terme échu.
Son montant est estimé en fonction de plusieurs critères parmi lesquels :
• l'âge et l'espérance de vie du crédirentier,
• la valeur du bien,
• les loyers qu'il pourrait percevoir si le logement était loué.
C'est le notaire qui calcule le montant de la rente en fonction de barèmes.
Ces barèmes peuvent être consultés auprès d'un notaire ou d'une compagnie d'assurance.
Qui peut user du viager ?
Toute personne ayant la capacité juridique de le faire (en possession de tous ses moyens et, pour le vendeur, en pleine propriété) peut vendre ou acheter un logement en viager.
La rente viagère peut être constituée au profit de plusieurs personnes (par exemple deux époux) mais aussi en cas d’indivision : plusieurs frères et sœurs perçoivent alors leur rente mensuelle définie pour un bien immobilier ou une terre, dont la pleine propriété ne revient à l’acheteur qu’après le décès de tous les vendeurs.
Pour que la vente en viager soit valable, le décès futur du crédirentier doit être imprévisible. Ainsi, le débirentier ne doit pas avoir eu connaissance d'une maladie dont était atteint le crédirentier au moment de la signature de l'acte de vente.
Si le vendeur décède dans les 20 jours qui suivent la signature de l'acte de vente (hors mort accidentelle), la loi considère que l'événement était prévisible et que la vente n'est pas valable. L’annulation de la vente peut alors être demandée par les héritiers du crédirentier au tribunal.
Le crédirentier peut reprendre son bien si les rentes ne sont plus versées.
De même, si le débirentier souhaite résilier le contrat de vente, le crédirentier a le droit de conserver le bouquet s’il a été versé.
Enfin, les loyers peuvent être augmentés si une clause d’indexation (sur le coût de la vie, l’inflation, un indice publié par l’ISPF, etc.) a été prévue.
Qui paye quoi ?
La répartition du paiement des charges du bien vendu est fonction du type de viager.
Viager occupé avec usufruit
Sont à la charge du crédirentier :
• les réparations et entretiens courants du logement sauf s'il libère totalement le bien vendu,
• les taxes d'habitation, foncière et d'enlèvement des ordures ménagères à moins que l'acte prévoit un remboursement de ces sommes par le débirentier,
• les factures d'énergie.
Les grosses réparations sont payées par le débirentier.
Viager occupé avec droit d'usage
La taxe foncière et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères restent à la charge du débirentier (sauf clause contraire prévue dans l'acte). La répartition des autres charges et travaux doivent être prévus dans l'acte de vente.
Viager libre
Les charges (factures d'énergie, taxes, impôts...), l'entretien courant et toutes les réparations sont à la charge du débirentier.