À Rimatara, Rurutu, Rapa ... Les maisons sont toutes, ou presque, dotées d'un Fare Umu'ai ou d'une pièce/maison du four. Le trou creusé dans la terre, les pierres et sacs de coprah servent au moins une fois par semaine. Plus qu'une tradition, le umu'ai reste une habitude de vie.
© Texte & photos : Delphine Barrais
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C’est le plus souvent une affaire d’hommes. Mais, ce week-end, le mari de Nelly est parti travailler quelques jours à Bora Bora. Il n’est pas question, pour autant, de reporter le brunch du dimanche cuit dans le umu’ai. « J’ai appris en le regardant. Il faut savoir tout faire dans la vie. » Alors, Nelly, lance le processus. « En gardant les mains dans tes poches, tu n’avances pas ! »
Les opérations débutent la veille du repas. Nelly ramasse des feuilles de bananiers et de ’autī dans le jardin, rassemble les ingrédients (cocos, potirons, taro, oignons, gingembre, poisson, cochon…), puis entasse dans le umu’ai les bourres et les noix
de coco vides avant d’y mettre le feu. Rapidement, elle jette les pierres volcaniques dans les flammes pour qu’elles montent en température.
Pendant que les roches se réchauffent, Nelly débute les préparatifs. Elle récupère les feuilles de taro qu’elle empile dans une marmite avec les oignons et le gingembre coupés finement, et le lait de coco. Elle emballe le poisson, du thazard péché au large, et les morceaux de cochon dans les feuilles de ’autī. Elle confectionne le rēti’a à base de potiron, râpe sa coco pour le taioro qu’elle terminera une fois le four refermé. « Je dois aller chercher les ’ōhiti. Ce sont des petits crabes, que j’incorpore à la coco pour qu’elle fermente. » Tous les produits et les plats sont placés dans une marmite ou bien fermement calés par les végétaux.
Petit à petit, le feu se transforme en braise. Les pierres deviennent rouges mais, à vue d’oeil, cela ne semble pas assez chaud. Nelly l’alimente avec de nouvelles bourres de coco. « Je sens à la couleur qu’elles prennent, s’il faut continuer ou non. » Les flammes repartent. Il faut compter au moins 2 heures à 2 h 30 avant que les cailloux atteignent la bonne température. Enfin, marmites et paquets sont positionnés sur les pierres dans un ordre qui n’est pas laissé au hasard et qui dépend du temps de cuisson. Ils sont recouverts de feuilles de bananier, de sacs de coprah noircis par l’usage et finalement d’une couverture maintenue par de lourdes
roches.
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Le repas ainsi préparé est consommé dimanche, en famille, avant d’aller au culte. Il aura passé entre 14 et 15 heures au chaud, sous la terre. Les enfants et petits-enfants viennent profiter des saveurs. « Mais il m’arrive d’en faire en semaine, quand j’ai envie d’un poisson cuit dans le umiu’ai », confie Nelly.