Texte & photos : Virginie Gillet
Leader de la TÔLE en Polynésie
Née dans les années 1960, la société Guilloux, plus diversifiée à l’origine, est devenue leader sur le marché polynésien de la couverture en tôles il y a un peu plus d’une dizaine d’années. Un parcours exemplaire basé sur une grande exigence de qualité qui ne s’est jamais démentie, mais aussi sur des valeurs familiales mises au service des clients. Serge Guilloux, fils du fondateur et gérant actuel, évoque pour nous l’histoire de cette entreprise qui compte dans le paysage économique local depuis plus d’un demi-siècle et livre chaque année près de 400 000 mètres (4 km) de tôles destinées à couvrir les toitures du Fenua.
La société Guilloux est une vraie aventure en matière d’entrepreneuriat.
Comment a-t-elle débuté ?
Serge Guilloux : “C’est mon père, Vincent Guilloux, qui l’a créée en mai 1966 exactement. Avant cela, il travaillait avec son frère, Hyacinthe, pour le Groupe Aline. Mais en 1965, il est parti faire un tour du monde avec un dictionnaire en main dans l’idée de monter cette société, qui n’était pas du tout dédiée initialement à l’industrie des tôles. Il a parcouru quatre continents sur cinq afin de dénicher des fournisseurs et trouver des marchandises. Il a fallu 6 mois ensuite, le temps que cela prenait à l’époque, pour faire venir les premiers containers chargés de matériaux de construction et de toutes sortes d’articles de bazar. Ce sont les débuts de la société, qui a tout de suite bien fonctionné.
À l’époque, nos locaux se situaient au centre-ville, en face de l’actuel restaurant Le Sully. Nous n’avons rejoint notre site actuel de Fare Ute qu’à partir de 1972. Dès les premières années, nous nous sommes faits connaître dans les secteurs du carrelage, des sanitaires, de la robinetterie et plus étonnamment de la moquette : des moquettes à longs poils en provenance des États-Unis, qui ont été très à la mode dans ces années-là, y compris sous nos latitudes. Cela a duré quelques décennies.
Au début des années 1990, un peu par hasard, la société s’est finalement lancée dans la tôlerie après avoir fait l’acquisition de deux machines pour fabriquer des tôles ondulées, qui représentaient 90 % du marché des toitures en tôles. De fil en aiguille, nous avons acheté d’autres machines, jusqu’à en posséder huit aujourd’hui, qui nous permettent désormais de fabriquer tous les profils de tôles. Nous nous sommes bien évidemment équipés aussi de machines à faîtières et autres afin de compléter notre offre. Et le succès a été tel qu’en l’an 2000, nous avons décidé d’arrêter toutes les autres activités. À ce moment-là, nous étions presque 50 employés, dont 40 étaient dédiés aux anciennes activités de l’entreprise et les 10 autres à la tôlerie ; or, ce secteur représentait déjà 60 à 65 % du chiffre d’affaires global de la société. Il n’y a pas eu photo ! Ces résultats ont induit cette focalisation.”
Et les choses ont encore une fois tellement bien fonctionné que vous êtes même devenus assez rapidement les leaders sur le marché... “Effectivement. Nous sommes rentrés très rapidement dans les appels d’offres, avons été attributaires de nombreux marchés publics au point de surclasser en 10 ans tous nos concurrents (Engeco, Polytol, Pacific Tôles et Tamanu Entreprises) et de représenter un peu plus de 50% du marché de la tôle en Polynésie.”
Quelles qualités de produits proposez-vous ? “Aujourd’hui, nous proposons trois qualités de produits ; à savoir : la tôle ordinaire de base, sans prélaquage, couleur acier, qui est la tôle utilisée pour les chantiers ou les petits budgets, mais qui peut quand même avoir une durée de vie de 10 à 20 ans ; la tôle prélaquée, ensuite, qui affiche une durée de vie entre 20 et 40 ans selon les conditions environnementales d’utilisation ; et enfin la tôle pour conditions extrêmes, particulièrement adaptées aux bords de mer et aux îles, qui offre une durée de vie de plus de 40 ans dans des conditions normales d’utilisation et une garantie décennale d’usine à partir de moins de 50 mètres de la mer.”
Quels sont les profils que vous déclinez à partir de ces différentes tôles ? “Tous les profils. Autrement dit un profil ondulé classique utilisé à 90 % sur les habitations, un profil de tôle nervurée basse et un autre de tôle nervurée haute que l’on retrouve prioritairement sur les hangars, les immeubles, les grosses structures, et enfin un profil imitation tuiles, plus esthétique et davantage dédié à des villas, des constructions que les gens veulent voir sortir de l’ordinaire.”
Vous proposez également des tôles transparentes qui présentent d’autres avantages ? “Oui, mais il s’agit cette fois de tôles importées telles quelles et vendues en panneaux de 6 mètres. Ces tôles de qualité industrielle, garanties 15 ans, offrent une protection contre les U.V. et permettent notamment de significatives économies en matière d’éclairage. Elles sont utilisées pour couvrir en partie des hangars, mais aussi des terrasses ; certains les utilisent même pour faire des serres.”
Où vous fournissez-vous ? “En Nouvelle-Zélande. Au début, nous nous fournissions en Europe, mais cela n’a pas duré très longtemps : la qualité n’était pas au rendez-vous car inadaptée aux conditions du Pacifique. Les tôles néo-zélandaises ont le mérite d’avoir été préalablement testées dans toutes les îles du Pacifique, là où on rencontre les mêmes critères climatiques. Du traitement anticorrosion à la peinture, tout est adapté au Pacifique Sud. Nous recevons les tôles sous la forme de bobines planes d’environ 1m3 mais qui pèsent de 4 à 5 tonnes chacune et déroulent entre 1 000 et 1 200 m d’acier environ. Il y en a de trois largeurs différentes pour façonner les différents profils. Au stade de la bobine, l’acier est encore assez malléable mais, une fois profilée, la tôle devient très solide et rigide.”
Quels sont les principaux avantages de la tôle en matière de couverture ? “D’abord indéniablement son rapport qualité/prix, car c’est le matériau le moins cher du marché sur ce secteur. Sa longévité aussi. Le béton est nettement plus cher, les bardeaux de bois dont la longévité tourne autour de 15 ans coûte environ 10 000 Fcfp/m2 tandis que le Palmex® revient approximativement 2 fois à 2 fois et demi plus cher. Elle présente également un intérêt indéniable sur le plan de l’étanchéité avec des risques d’infiltration extrêmement limités si elle est parfaitement posée. Elle est aussi très facile à installer, nécessitant 5 vis au m2, le tout avec un temps de pose très rapide. Enfin bien fixée, elle peut résister à des vents allant jusqu’à 210 km/heure ; ce qui n’est pas le moindre de ses atouts sur le plan de la sécurité cyclonique. Elle est d’ailleurs souvent mieux adaptée à ces conditions tropicales parce qu’elle permet la circulation du vent et réduit ainsi la pression que peut subir une toiture en cas de vents très forts.”
Vincent Guilloux s’est retiré en 2002 pour laisser les rênes de l’entreprise à son fils Serge, qui est devenu officiellement gérant de la société en 2014 et qui y travaille depuis lors avec son frère.
Proposez-vous des conseils aux clients ou des prestations particulières ? “Nous sommes un tout petit pays où tout est importé. Un tel marché n’est pas en mesure d’offrir toutes les prestations que l’on peut rencontrer à l’étranger. Ce qui n’est pas toujours évident à faire comprendre à une clientèle qui a tendance à vouloir tout personnaliser au maximum. Néanmoins, nous nous efforçons autant que possible d’apporter une vraie valeur ajoutée et un vrai service en marge de nos produits. Ainsi, nous avons désormais une équipe de 4 personnes dédiée aux calculs de plans de toitures parfois très, très complexes, intégrant 20 pentes avec des chiens-assis, etc. C’est un service que nous proposons gratuitement, qui peut permettre de faire l’économie d’un architecte pour un bâti neuf comme pour une construction plus ancienne, et qui permet parfois d’économiser jusqu’à 15 ou 30 % de matériau sur une seule toiture. Nous faisons en effet en sorte d’optimiser les découpes de façon à produire le moins de déchets possible. Nos technico-commerciaux sont aussi formés à trouver des solutions à des problèmes complexes. Notre limite étant que nous ne nous déplaçons pas sur les sites. À chacun son métier...”
Pour finir, on parle aujourd’hui beaucoup de RSE, de développement durable : qu’en est-il de la tôle dans cette perspective et où se situe votre société d’une manière générale sur ces sujets ? “On ne peut pas dire que la tôle soit un produit écologique. C’est de l’acier, de la peinture, un traitement anticorrosif... Celà étant, ce n’est pas forcément tant l’usage qui en est fait qui pose problème ou même uniquement ses procédés de fabrication, mais l’absence de solutions de recyclage. C’est quelque chose qui fait cruellement défaut en Polynésie alors qu’il y a de gros besoins au niveau de plein de matériaux. Et ce, d’autant plus que nous sommes une société qui consomme énormément. Sur le plan de la RSE (responsabilité sociétale des entreprises), nous essayons de faire ce que nous pouvons. Ce qui n’est pas forcément évident au sein d’une structure comme la nôtre. Nous aurions sans doute besoin d’un réel accompagnement de la part, par exemple, du gouvernement pour éduquer les gens en ce sens aussi. Celà étant, nous y tendons comme à travers le service, que j’évoquais précédemment, qui contribue à limiter les déchets. Et puis, parfois, nous sommes en avance sur le sujet : notre entreprise est restée une communauté familiale de 26 personnes aujourd’hui, où tout le monde se connaît et est solidaire. Ma secrétaire actuelle était déjà celle de mon papa : quand je l’ai connue j’avais 11 ans. Idem pour la comptable, qui me connaît depuis mes 14 ans... Cela crée des liens et un mode de fonctionnement, qui vont bien au-delà des seules préoccupations envers des collaborateurs liés à une RSE.”
TÔLE ET ROUILLE La seconde est l’ennemie jurée de la première, qui se défend pourtant très bien contre elle en temps normal sans avoir besoin du moindre traitement supplémentaire. En réalité, la « vraie » rouille ne commence pas à attaquer avant 15, 20 ou 30 ans. Mais pour cela, il faut que le chantier ait été mis en œuvre et finalisé de manière propre. L’entrepreneur à l’ouvrage doit ainsi veiller à ne laisser aucun résidu ou élément sur les tôles susceptibles, par oxydation, d’agir comme autant de « plaies ouvertes » sur le matériau. Même les poussières métalliques liées aux découpes doivent être minutieusement enlevées et tous les points de perçage ou de découpe être enduits soigneusement d’un antirouille. En dehors de ces précautions, il n’y a rien de particulier à faire. Sauf peut-être arroser régulièrement sa toiture avec de l’eau claire, de façon à améliorer sa longévité, si on vit dans un endroit où la pluie est peu fréquente et les dépôts salins omniprésents.
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Dossier à retrouver dans votre magazine Investir à Tahiti #9