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Ressources alimentaires dans les atolls des Tuamotu aux temps anciens

Textes : Frédéric Torrente - Anthropologue


L’archipel des Tuamotu constitue la plus grande concentration d’atolls dans le monde, le quart des atolls de la planète. Il regroupe 76 îlots coralliens, dont 46 sont habités aujourd’hui, sur les 84 atolls de l’actuelle Polynésie française. Ils ont des morphologies variables, allant de l’atoll soulevé (Makatea, Niau, Anaa, Tikehau, Kaukura) qui offre des qualités de sols plus fertiles, aux atolls très bas, aux sols plus pauvres. La présence ou non de passe est déterminante pour la richesse des ressources marines.



L’alimentation dans les atolls aux temps anciens


Dans les langues polynésiennes, le terme issu de la racine protopolynésienne et proto-océanique désignant l’action de manger est kai (‘ai). Mais cette action revêt dans l’ensemble océanien des dimensions beaucoup plus larges, faisant de la nourriture et de son partage un paradigme socio-culturel. En effet kai évoque tout autant l’unité sociale de base, que l’on peut rapprocher du concept de « maisonnée ». En d’autres termes, le fait de manger est étroitement lié à la communauté, mais aussi à toute une gamme de significations allant du symbolique au religieux (interdits ou prescriptions alimentaires). Manger est donc le paradigme océanien autour duquel s’organise et se structure la société.


Dans la société ancestrale de l’atoll de Anaa, le lexique ancien relevé par le linguiste Frank Stimson exprimait les différentes dimensions du terme kai :

  • (1) l’action de manger : kai haga (acte de manger, manger, festin), kāia (mangé, consommé, détruit, annihilé), la manière de manger kai kai (« mastiquer, mâcher, ronger »), kai hāruma (« manger rapidement, engloutir, à la manière d’un glouton »), kaiā (« manger de la nourriture continuellement ») ;

  • (2) le traitement de l’aliment à savoir le cru : kai ore (manger cru ou presque cru), ma kai orea (« manger habituellement de la nourriture crue, ou partiellement cuite »), ou le cuit (kai magu) ;

  • (3) la façon de manger en société : kai kiro (« manger tout pour soi, sans rien partager avec les autres ») ou mal manger (gaspiller), kai piro (idem), kai hamu (« manger les restes de la table des autres »), kai tītaha (« manger la nourriture des autres en conservant la sienne ») ;

  • (4) les conditions rituelles de l’alimentation : mā kai (« manger habituellement de la nourriture purifiée, comme un dieu »), kai kai ā (« manger de la nourriture interdite, sous restriction par une autorité : tahuga ».

Ainsi, nous voyons que les façons de manger étaient très complexes aux temps anciens, en raison de la structure de la société et des règles qui la régissaient.

Manger cru est rendu par deux vocables : le premier ota, dérivé du proto-polynésien qota qualifie le goût du poisson cru ou des coquillages ; le second ore (orea : mangé cru, ore-roa : nourriture crue) est utilisé plus fréquemment à Anaa. Deux expressions dérivées, celle de paore (« consommer, manger les premiers fruits ou la nourriture d’une saison ») et tiore (« premiers fruits d’un nouveau cycle saisonnier ») correspondent à la coutume du tiorēga de réserver les prémices de nourriture aux chefs et aux dieux.


Le fait de rechercher de la nourriture vivante comestible se disait ravakai aux Tuamotu, concernant la récolte des ressources marines, terme réduit aujourd’hui au fait de pêcher, aller à la pêche (dont le synonyme est tautai). S’agissant de la catégorie alimentaire végétale, on utilise le terme maga (ma‘a en tahitien) ou katiga à Anaa.


La quête des aliments végétaux utilise donc un lexique différent du précédent. On parle de kimi katiga (se mettre à la recherche de nourriture, sans distinction).



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Dossier à retrouver dans votre magazine Tama'a# 28 - juin 2023

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