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Plantation de café dans l'archipel

Relancer & soutenir la production

Les îles australes offrent aux plans de café des conditions de sol et de climat idéales. Dans les années 1960, plus de 200 tonnes étaient ainsi produites à Rurutu. aujourd’hui, l’île arrive péniblement à produire 4 tonnes. Pour cette raison, la direction de l’agriculture (DAG) soutient le renouveau du café des australes et accompagne, à Rurutu notamment, la mise en place de nouvelles variétés. Pour que cet or noir ne disparaisse pas de l’archipel.


© Texte & photos : Delphine Barrais


© Philippe Bacchet

De plus de 300 tonnes de café produites, consommées sur le marché local ou exportées dans les années 70, il reste à peine 10 tonnes aujourd’hui. Aux Australes, les conditions, climatiques notamment, sont réunies et favorables à la culture du café. Cependant, il ressort de l’état des lieux que les plantations sont désormais très âgées (plus de 40 ans), peu ou pas entretenues. Le CEP et l’exode des populations sont passés par là. La situation sanitaire des parcelles demeure pourtant satisfaisant :

grâce à un mode de culture sous ombrage et une faible densité de plantation (2 x 2 m), les arbustes sont encore vigoureux. Il serait donc possible de procéder à une régénération des caféiers en les taillant et en plantant de nouveaux pieds.


En quelques années, de nouvelles entreprises de torréfaction ont vu le jour en Polynésie (5 en 2 ans). Ce contexte est propice au développement de la filière ; et donc, à la production de café. Frédéric Georget, spécialiste du café au CIRAD (Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement), a été missionné en octobre 2022 par la Direction de l’agriculture pour évaluer l’état de la production issue de Rurutu et Rimatara et s’entretenir avec les torréfacteurs afin d’établir une stratégie d’accroissement de la filière.


© Philippe Bacchet

La DAG, dans le sillage de la dernière mission du CIRAD (voir encadré « En 1995 déjà… »), mène un projet à Rurutu. Sur cette île, le Caturra est majoritaire, mais il y a aussi du Typica et des intervariétés. Deux nouvelles variétés, Marsellesa et Starmaya, sont aussi en cours de test. Les semences ont été importées pour mettre en place des parcelles d’essai qui auront pour objectifs, dans le contexte polynésien, de comparer leurs performances et d’établir de nouvelles références technico-économiques.



 

EN 1995 DÉJÀ…

En 1995, une première évaluation de la filière café aux Australes avait été réalisée (financement FADIP/CIRAD). La mission, dont l’objectif était d’évaluer la filière café dans les îles Australes, s’était déroulée uniquement sur l’île de Rurutu.

Les quatre autres îles de l’archipel connaissent les mêmes problèmes. La caféiculture de Rurutu concernait 57 planteurs pour 50 hectares de caféiers. Le café était destiné uniquement à alimenter le marché local via un seul intervenant local.


Dans ce contexte très particulier et face à la concurrence des cafés importés, il était évident que les agriculteurs trouvaient peu d’intérêt à produire du café et, surtout, à améliorer productivité et qualité. D’autres missions ont suivi pour faire le point avec les agents impliqués dans la filière café aux Australes et aux Marquises (Rimatara, Rapa, Raivavae, Rurutu et Nuku Hiva), élaborer des fiches techniques (cible, forme, thèmes, contenu, traduction) en vue d’apporter aux producteurs un meilleur appui dans ce domaine, expertiser des lots de café afin d’avoir une première indication sur leur qualité respective. Pour accompagner la reprise de la production de café aux Australes, des propositions ont été soumises dans l’objectif d’améliorer les rendements, la récolte, le circuit de commercialisation et la valorisation du café marchand. La filière est toujours en cours de construction.

 

Cyril Teinauri, l’agent de la DAG à Rurutu, suit les opérations de près. Dans la pépinière qui jouxte son bureau à l’entrée de Moerai, il multiplie des plans d’agrumes (citrons, pamplemousses, mandarines, oranges), de fruitiers (letchis, corossols, papayes), quelques fleurs (tiare, opui), mais aussi du café.


Il en a fait pousser 1 350 pieds et va se charger d’entretenir 450 d’entre eux sur une parcelle. De leur côté, deux agriculteurs ont planté chacun 450 pieds sur leur propre parcelle.



Rien de mieux que ces tests à l’épreuve du terrain.

Chaque lot compte 150 pieds de Caturra, 150 de Marsellesa et 150 de Starmaya, et doit produire au moins 3 tonnes de café. Cyril décrit son métier : « J’accompagne les agriculteurs de la préparation de la terre à la taille, en passant par la mise en terre. » Lui croit en la variété Caturra et son potentiel. Il est même certain que le rendement pourrait être amélioré par une simple taille plus optimale des pieds existants.


Cyril Teinauri, l’agent de la DAG à Rurutu, a planté 1 350 pieds de café. Il va se charger d’entretenir 450 d’entre eux sur une parcelle dédiée.

LE POTENTIEL EST LÀ !

Ferdinand est l’un des deux agriculteurs volontaires. Il a accepté de participer au test en espérant vivement que le résultat soit au rendez- vous. Les pieds commencent à donner au bout de trois années. « Pourvu qu’on ne perde pas notre temps ! » Il a longtemps travaillé à Tahiti avant de rentrer sur son île d’origine en 2017. Il a aussitôt repris la terre de ses ancêtres : taro, bananes, agrumes, mais aussi café. En 2021, il en a produit 800 kilos de café qu’il a vendus à la coopérative de l’île ainsi qu’à Tahiti.

« J’aimerais que la production s’intensifie pour remplacer les importations. Le potentiel est là. » La coopérative de Rurutu fonctionne au ralenti, elle torréfie le café qu’elle reçoit au compte-gouttes. Dans les années 60, les Australes exportaient 200 tonnes de café par an. À Rurutu, la production est aléatoire.


 

UNE COOPÉRATIVE EN SOMMEIL

Afin de relancer et dynamiser la filière du café dans l’archipel des îles Australes et notamment à Rurutu, la commune a mis en place

un outil de développement économique doté de tous les équipements nécessaires pour permettre la production d’un café moulu (café Manureva 100 % arabica), de l’étape de la cueillette au conditionnement en passant par le séchage et la torréfaction.

Depuis 2007, la coopérative agricole Rurutu Tunoa bénéficie de l’exploitation de cette unité de torréfaction au travers d’une convention. Mais, pour l’heure, la coopérative tourne au ralenti.

 


Rimatara en envoie 2 à 300 kilos au mieux. Sur cette île, seule la variété Caturra a été observée. Cette spécificité apporte une bonne homogénéité des lots de café récoltés et la production de semences garanties « caturra » pour les futures plantations. Ils sont moins d’une dizaine, installés principalement au village d’Amaru. La cueillette a lieu entre les mois d’avril et d’août. « On passe tous les jours ramasser les fruits mûrs », racontent Manu Haiti et Angèle Tihoni. Cette dernière ajoute : « L’argent, c’est pour les enfants et les petits-enfants. » Elles ont chacune une centaine de pieds. Leur plantation a plus de 40 ans. Elles assurent tout à la fois, la récolte, l’entretien et la taille. Il leur arrive également de replanter des pieds pour assurer la relève.


Sur l’île de Riamatara, seule la variété Caturra a été observée

Les grains sont placés dans l’eau, étendus au soleil pour être séchés. « Ensuite, c’est Nini qui vient récupérer la récolte et l’envoie au bateau », racontent-elles sans savoir quelle est la destination finale. Nini tient le magasin de Napoto. En fin de saison, elle passe un coup de fil aux producteurs, puis entame la tournée.

« Avant ça, je faisais partir la production à Rurutu mais, depuis 5 ans, ça part directement à Tahiti. » Nini, comme les producteurs, gagne peu. Pour l’instant, le café ne leur permet de vivre.


Afin d’encourager les caféiculteurs à rajeunir, entretenir et récolter leurs plantations, il paraît impératif d’augmenter et de mieux rémunérer la production. Pour cela, selon le CIRAD, les acteurs de la filière doivent viser un marché de niche, à haute valeur

ajoutée, à l’image des cafés d’origine comme le Blue Mountain de Jamaïque, le Bourbon Pointu de La Réunion ou le Kona d’Hawaii. Ces types de cafés exigent une récolte, une transformation du grain et une traçabilité sans défaut pour valoriser leurs caractéristiques particulières. Aux Australes, tout ce travail reste à mener.


 

ET AILLEURS ?

À Raivavae, les champs sont à l’abandon. Reiarii Hauata, de la Direction de l’agriculture, rapporte qu’il encourage la reprise des champs de café. Il s’adresse à la jeune génération afin qu’elle remette en production les caféiers de ses grands-parents. L’île de Rapa exporte quant à elle environ 1 tonne de café par an.

 

LES VARIÉTÉS POLYNÉSIENNES

Trois variétés de café ont été plantées en Polynésie française, toutes appartiennent à la famille des arabicas.


Le Caturra a été introduit dans les années 70. C’est une variété naine, de qualité standard, à bon rendement. Elle est néanmoins sensible à la rouille.


Le Typica, introduit en 1817 par le capitaine Samuel Marsden,

est une variété de bonne qualité, mais avec de faibles rendements. Elle est adaptée aux conditions d’altitude (températures fraîches), mais reste sensible aux maladies.


Le Catimor, introduit dans les années 80, est une variété naine, à bon rendement, résistante aux maladies fongiques.

Toutefois, son goût est médiocre.

En 2022, deux nouvelles variétés de café (Marsellesa et Starmaya) ont été introduites en Polynésie

française. De plus, bien que le café s’autopollinise principalement, des caféiers issus de croisements intervariétés ont également été retrouvés.


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