Enfin de retour pour encourager L’ÉCOLOGIE.
© Interview & photos : Loreleï Quirin
Les afficionados de Pito Ma ont attendu 5 ans avant de pouvoir se régaler de la lecture ce nouveau tome, « La course aux économies ». Gotz, l’artiste aux multiples univers artistiques, signé ici un album qui présente une évolution conséquente : une histoire qui se suit tout au long des pages, l’arrivée de la couleur dans la BD et un partenariat avec l’Ademe pour aborder des thèmes qui concernent tous les Polynésiens.
Tout d’abord, comment vas-tu, après avoir récemment attrapé la Covid ?
Mieux ! C’était long et fatiguant mais aujourd’hui ça va mieux. Cette maladie touche tout le monde, par chance elle ne m’a pas emportée.
Tu as eu durant toute tes années de carrières différentes moyens d’expression, notamment la peinture,
le modélisme, le travail sur peau. Toucher à tous ces domaines répond à des états d’esprit différents, ou bien tu aimes diversifier les expressions artistiques ?
Je n’arrive pas à me cloisonner. Pour moi l’expression artistique est multiple, je n’ai pas un esprit qui peut la cloisonner. Quand je peux faire glisser un univers sur un autre je n’hésite pas à l’explorer pour voir ce que ça donne. J’ai toujours un fil conducteur, un tronc. Par exemple en peinture j’ai acquis une technique et j’utilise presque toujours la même mise en place. Par exemple, l’utilisation de l’encre de chine à enrichie mon utilisation de l’acrylique. La diversité enrichie mon travail. A l’avenir j’aimerais tester la peinture en 3Dimensions en créant des oeuvres dans lesquelles ont peux se déplacer, en utilisant de la lumière au lieu de la peinture, je veux faire cette expérience. Je suis très enthousiaste à explorer de nouvelles voix, à faire de nouvelles expériences et quand je peux je l’inclus à mon travail pour le diversifier, pour ne pas qu’il se cristallise.
Pito Ma vient de paraître. Tu as signé pour ce tome 12 un partenariat avec l’ADEME et la DTT. Etait-ce leur volonté ou la tienne de promouvoir l’éco-mobilité ?
Ce tome 12 est effectivement en partenariat avec l’ADEME. C’est eux qui m’ont contacté en 2018. Pour ce projet, j’ai hérité d’un cahier des charges particulier. A l’époque je faisais déjà quelques illustrations comme supports pédagogique notamment avec la Direction de la Jeunesse et des Sports. L’utilisation de Pito Ma en tant que support pédagogique est intéressant. C’était un challenge de créer quelque chose de vivant et humoristique en ayant un aspect informel. C’est le premier album où il y a une histoire qui se suit. La couleur est aussi une grande nouveauté. L’autre raison pour laquelle la livraison du livre à été longue est liée à l’organisation de ces organismes qui ont rallongé le délai.
"La course aux économies", comment est né ce titre ? Raison logique.
Moi j’avais choisi “la course à l’économie”, c’est l’ADEME qui a conseillé « aux économies” car pour une raison logique, juste et un peu tragique je trouve, c’est que si on veut avoir des gens qui se penchent vers l’écologie on les aura par le porte-monnaie. On a ainsi mis en avant que l’on peut économiser en changeant ses attitudes.
Si tu devais résumer ce tome en quelques mots, comment le présenterais-tu ?
“C’est un bel album en couleurs de bande dessinées humoristique local, bourré de petits conseils pour être un peu plus écologique dans sa mobilité.”
Est-ce que tu as aimé le réaliser ?
Je l’ai relu au bout d’un an et demi. Il y a un rythme qui se tient et se suit. Je suis content de cette production.
Pourquoi Pito Ma ?
C’est le nombril, chaque ile est le nombril du monde dans l’esprit des gens qui y habitent. Ma est ce qu’il y a autours avec la famille et les amis. Pour moi tout le monde est Pito Ma.
Comment sont nés les personnages pour le tout premier tome et les as-tu tous gardés ?
J’ai gardé les personnages du début, j’ai commencé avec un noyau de 5 personnages qui étaient des garçons qui sont un peu représentatif des différentes ethnies que l’on retrouve en Polynésie. Donc j’ai un popa’a, un chinois, un tahitien, un paumotu, un rambo (ces personnages un peu particuliers qui “trainent” qui fument, boivent, ou traînent en ville et qui ne sont pas foncièrement méchant ou plus méchant que les autres pour autant). C’est d’ailleurs devenu le personnage le plus populaire car c’est souvent ce type de personnage qui plait le plus aux gens.
Le personnage principal, Pito est finalement celui que l’on voit le moins. C’est un pivot et les autres tournent autours de lui. Mais, d’année en année, la famille s’est agrandit et on m’a dit qu’il n’y avait pas de filles dans Pito Ma, donc j’ai commencé à mettre des filles. Lorsque j’ai travaillé avec d’autres scénaristes sur quelque album, ils m’ont demandé de créer des personnages. Maintenant il y a une quinzaine de personnages. Ça évolue, ça se structure, un peu comme la vie.
Quel personnage préfères-tu dans ta BD, celui que tu retrouves toujours avec impatience et envie ?
Ça dépend, ça change selon les tomes. Par exemple dans le dernier album c’est Amédé qui est le plus en avant. Je les aime tous, avec tous leurs traits de caractères.
Est-ce qu’il y a des parts de Gotz dans les personnages ? Ou est-ce que le Gotz 2021 a évolué avec eux ? Ou vivez-vous une existence totalement séparée ?
Oui bien sur qu’il y a une part de moi à travers mes personnages, c’est un miroir de moi-même. Certains sont un assemblage d’une ou deux personnes que je connais. Quelque fois c’est des personnes que je connais qui m’ont inspiré, mais ils ne le savent pas. Ça m’a permis d’avoir dès le départ des personnages avec un caractère et une ligne de pensée. Avec le temps ils ont acquis des personnalités et suivant les histoires ils agiront selon cela. Ce n’est plus des pâtes à modeler, ils sont presque indépendants de moi. J’ai l’impression d’être un metteur en scène. C’est très plaisant comme expérience.
Ce tome arrive 5 années après le précédent (numéro 11). Pourquoi ce délai, cette attente ?
Le tome 11 date de 2016. Pendant longtemps, les pages sortaient de façon hebdomadaires dans les quotidiens : Les nouvelles, puis le Tiki Mag et la Dépêche. Cela m’obligeait à avoir une régularité et au bout de 44 planches ça donnait un album. A la fin de ces collaborations, je suis passé à autre chose et d’autres projets j’avais ainsi moins de temps à y consacrer.
Pito Ma12, en vente partout ! Donaghy Philippe dit Gotz https://www.gotz.fr/
Est-ce toi qui t’occupe de la colorimétrie ?
Oui pour l’instant c’est moi. C’est du travail mais c’est intéressant, je colore en même temps que je dessine. Avec le numérique c’est bien plus rapide qu’avant où je dessinais, puis je scanner avant de pouvoir exploiter le travail sur ordinateur.
La société évolue, devient parfois plus puritaine (joints, alcool, rapport intersexes), Pito Ma est-il le reflet de cette évolution ?
Sans doute. Peut-être qu’a l’avenir je rééditerais les premiers albums car on y voit l’évolution. Par exemple dans les premiers tomes j’ai abordé le téléphone et la cabine téléphonique, aujourd’hui le téléphone est partout.
Le contexte évolue et moi aussi. C’est aussi un témoignage de la vie quotidienne.
Les grandes questions environnementales, mais aussi la mobilité, apparaissent dans la BD. Ce sont des questions qui te préoccupent ?
Oui, le co-voiturage par exemple, ça fait longtemps que j’y pense, notamment quand je vois les embouteillages et les voitures qui tournent pour rien. Aujourd’hui je suis en vélo électrique et je suis content de ne pas avoir un impact trop lourd. Les mentalités changent doucement mais il y a un retard dans la prise de conscience environnementale.
Moorea est en ce moment au coeur de l’actu, avec plein de projets de nouveaux lotissements, d’hôtels, etc. As-tu peur que Moorea perde son âme ou bien est-ce un développement souhaité pour les jeunes, le tourisme ?
Je n’ai pas peur mais je ne me fais guère d’illusions. Je serais très enthousiaste de voir que l’on peut tracer de nouveaux chemins et permettre à cette ile de rester un endroit ouvert. Mais par exemple aujourd’hui c’est de plus en plus difficile d’accéder à la plage car les bords de mer sont grillagés, l’évolution de l’île de Moorea tends à devenir comme celle de Tahiti.
Quels sont tes prochains projets ?
Pour l’instant ça tourne autour du ma’a. La première planche qui a paru dans TikiMag présente le personnage Pu’a qui a la goutte et qui part à la recherche de Firi firi. Les personnages vont ouvrir un snack et de nombreux gags tournent autour de cela. Il sera en couleur. Peut-être qu’il arrivera l’année prochaine, car il faut du temps pour cela.
Un dessin animé, en petit format de quelques secondes est aussi en projet. Les story board sont en cours, je travail avec toute une équipe, c’est un nouvel univers, différent de la bande dessiné et du cinéma. Je vais m’initier à ces domaines. C’est toujours intéressant d’apprendre de nouvelles choses et de travailler avec d’autres personnes.
Les personnages vont bouger et avoir une voix ! Ils vont prendre vie.
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Dossier à retrouver dans votre magazine InstanTANE #12 - septembre 2021