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Missions de la Direction de l'agriculture à Tubuai

L'équipe de la DAG (Direction de l'Agriculture) se réunit pour son repas annuel de fin d'année. Au menu, des produits de l'île, du poisson cru, des légumes, et en dessert, de belles tranches de pastèque d'un rouge vif. Il y a des rires, une complicité qui émerge de ce rassemblement, où l'on se souvient des bons moments de l'année, et ceux plus ardus où on est resté soudé. Découverte des différents rôles de l'équipe, des difficultés auxquelles elle doit faire face, et des solutions existantes.


© Texte & photos : Doris Ramseyer


Noémie et ses collègues de la DAG libèrent de leurs pots les agrumes qui ont suffisamment grandi : s’ils y restent trop longtemps, leurs racines s’étiolent, donnant des arbustes chétifs.

Les agriculteurs d’aujourd’hui

Le 4 x 4 de la DAG traverse un paysage verdoyant : Tubuai est nommée à juste titre « l’île verte ». Elle bénéficie d’un climat plus tempéré que tropical, propice à tous types de cultures. Aujourd’hui, Tubuai compte pas loin d’une centaine d’agriculteurs, toutes catégories confondues. En 2013, la production agricole expédiée s’élevait à plus de 1 000 tonnes de fruits et légumes : une année exceptionnelle. Puis, la production n’a cessé de diminuer. Plusieurs facteurs expliquent cet affaiblissement.

Aujourd’hui, il est plus difficile d’être agriculteur. Les terres se sont appauvries, car cultivées plusieurs fois, et de nouvelles maladies, inexistantes hier, sont apparues.


De plus, la DAG de Tubuai souligne que les metua, les patriarches, ne sont plus là pour gérer efficacement les terres cultivables de l’île comme auparavant. En l’absence d’une planification des cultures, les productions deviennent irrégulières, engendrant soit du gaspillage (des surplus de production et des invendus), ou alors elles se révèlent insuffisantes. Or, il y a un vrai potentiel, qui actuellement n’est pas exploité, estime la DAG de Tubuai, qui note que des plantes de zones tempérées pourraient être développées, tels les fraises, les asperges, les endives ou les artichauts. Mais il faut savoir que l’acheminement de ce type de graines est problématique, et une patente particulière, délivrée par le DPV (Département de la protection des végétaux) s’avère nécessaire. Actuellement, il n’existe pas de coopérative solidaire, qui pourrait simplifier la commande des intrants, des semences, etc. Il y a 3 coopératives agricoles (dont une en sommeil), 8 associations actives, et 4 négociants à Tubuai.


Tubuai est nommée à juste titre « l’île verte »

L’équipe de la DAG (Direction de l’agriculture) à Tubuai regroupe des personnes complémentaires et motivées.

La commercialisation est également difficile, car les agriculteurs méconnaissent le marché tahitien, ne sachant quele culture sous représentée sur la grande île serait à développer sur la leur. En outre, les jeunes préfèrent des métiers plus confortables et plus faciles pour se lancer. Sauf les enfants d’agriculteurs qui continuent plus volontiers dans ce secteur. Travailler dans l’agriculture – un métier exigeant – est devenu plus onéreux, en raison des subventions accordées moins systématiquement et de la cherté de la vie. L’île utilise le système de mise en jachère pour régénérer la terre, une solution plus saine pour les végétaux, et aussi un moyen de minimiser le recours aux engrais dont le prix a augmenté. Autres faits, les terrains indivis bloquent les projets, et les terres agricoles s’urbanisent.


En effet, des fare OPH sont apparus sur les champs que se sont partagés les héritiers des cultivateurs. Il y a bien 500 hectares de surface potentiellement exploitables, mais seuls 80 hectares de terres défrichées sont aujourd’hui cultivables sur Tubuai, note la DAG des Australes.


Sur cette culture test de caféiers Arabica Red Caturra, qui ne bénéficie d’aucun ombrage, la DAG contrôle si elle est atteinte de rouille, une maladie fongique qui détruit les récoltes.

Ennemis de l’agriculture

De larges pots de culture abritant des plants de citrons sont posés sur l’herbe, se succédant jusqu’au bâtiment administratif de la DAG. Les agrumes sont destinés à la pépinière de Papara, dont les citrons ont dépéri, atteints de tristeza, un virus particulièrement contagieux, transmis par des pucerons. Des vergers entiers ont crevé, expose Charly Teuruarii Audouin, chef de la subdivision

de la DAG aux îles Australes.


D’autres plants de citrons sont réservés aux habitants de l’île, à la fois résistants contre les intempéries, et

contre la tristeza. Tubuai s’est retrouvée en 2010 dans l’oeil du cyclone Oli. Le chef de l’antenne de la DAG étale des photos montrant des portions de routes détruites, des maisons dévastées : un paysage de désolation. Le seul avantage du cyclone, c’est le nettoyage des nuisibles, explique Charly, car l’eau de mer est montée haut dans les terres, brûlant de son sel les végétaux… mais aussi les insectes. Cependant, certaines maladies ont perduré et d’autres sont apparues.


La bactériose, venue d’Australie, a attaqué la pomme de terre dans les années 1990, mettant à mal une culture pourtant légendaire. La bactérie s’en est aussi prise à toute la famille des solanacées : tomates, aubergines, piments, poivrons. Les terres ont été mises en jachère, afin de bloquer le cycle de la maladie. Charly note que cette dernière ne touche que les végétaux qui poussent en terre acide, comme dans les montagnes, mais pas celle des plaines au sol basique, sableux et inondable (donc inexploitable). La flétrissure bactérienne a tellement atteint le tubercule que la production de pommes de terre, déjà en difficulté, a été abandonnée sur l’île.


Plants de citrons de la DAG, préservés de la tristeza.

La DAG recherche aujourd’hui des variétés résistantes à la bactériose. En outre, la pomme de terre est aussi frappée par le mildiou, la cercosporiose, et des ravageurs tels que les vers gris, les mouches mineuses, les thrips, et les acariens. C’est pourquoi les agriculteurs ont privilégié la carotte, aux ennemis un peu moins nombreux : vers gris, alternariose et fusariose.


Les litchis, quant à eux, sont la cible de certains nuisibles comme les loris verts, les merles, les mouches à fruits (B. dorsalis, B. tryoni, B. kirki), les rats, la teigne, les acariens (toiles d’araignées sur les fleurs empêchant la nouaison) et la noctuelle (larves de papillon qui

empêchent les bourgeons de s’ouvrir). Les pastèques sont principalement attaquées par les nématodes (vers du sol), les thrips, les acariens, les mouches mineuses et les mouches à fruits (quand les fruits sont jeunes). Vivre de l’agriculture représente un vrai défi, et force à une certaine humilité envers la nature ; car certaines récoltes seront bonnes, d’autres désastreuses.


Le 4 x 4 de la DAG vient de s’arrêter sur un sentier longeant diverses cultures, sur lesquelles empiètent des végétaux disgracieux. Il s’agit de mauvaises herbes arrivées parmi des graines de carotte achetées en Chine, à la suite d’un changement de fournisseur. Depuis, l’espèce envahissante pousse en herbes hautes, étouffant les autres cultures, et leurs akènes s’envolent avec le vent pour mieux se disperser. D’autres espèces invasives ont également proliféré sur les terres de l’île.


 

La DAG est un service administratif de proximité, qui agit en faveur des agriculteurs. À ce titre, elle effectue de nombreuses missions :

  • Ouvrages dans la pépinière de la DAG afin de promouvoir la culture des arbres fruitiers (une structure rare sur l’île).

  • Gestion de bail à ferme, autorisant la location d’une emprise foncière d’une terre domaniale ou d’un lot agricole, pour mettre à la disposition des agriculteurs des terres cultivables.

  • Collaboration avec la CAPL (Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire), notamment pour délivrer les cartes agricoles, et réaliser des enquêtes sur les projets des cultivateurs.

  • Gestion des dossiers pour aider et conseiller les jeunes agriculteurs dans le lancement de leur entreprise (aide pour le défrichage, l’installation, les équipements…). Contrôle du fret subventionné (pris en charge par le Pays sur le Tuhaa Pae IV), pour élaborer des statistiques d’expédition. Des conférences agricoles se tiennent régulièrement à Tahiti avec les ministères de l’Économie et de l’Agriculture, la DGAE (Direction générale des affaires économiques), la DAG, la CAPL, la CCISM (Chambre de commerce, d’industrie, des services et des métiers), les importateurs, centrales d’achats, grossistes, distributeurs, et commerçants. En cas de productions importantes aux Australes, les importations d’un produit donné sont ainsi bloquées (par exemple, au départ de la Nouvelle-Zélande), pour favoriser la production locale.

  • Collaboration avec le DPV (Département de la protection des végétaux), une structure du ministère de l’Agriculture et de l’Équipement rural, dont les missions consistent à prévenir l’introduction d’organismes nuisibles dans le pays, à combattre ceux présents sur le territoire, et à assurer le contrôle phytosanitaire et de qualité des produits à l’exportation.

  • Gestion des autorisations de défrichage, et d’abattage des arbres dans la filière du bois (selon le Code d’aménagement de la DIREN - Direction de l’environnement), en fonction de l’emplacement des rivières, des arbres endémiques, etc.

  • Vérification auprès de VDM Charpente que le cahier des charges est bien respecté ; l’entreprise va exploiter les pins des Caraïbes plantés sur l’île, car la DAG gère plus de 66 hectares de plantation de Pinus.

  • 273 hectares de terres domaniales sont affectées à la DAG (plantations de Pinus, lotissements agricoles, terrains conventionnés avec le RSMA, diverses cultures, et terrains en friche).

  • Essais culturaux ; par exemple, des tests et recherches sur les tomates ou le café sont réalisés pour développer l’agriculture. Des essais de culture de fraises ont été effectués, de lys également. Il s’agit aussi de réfléchir à des solutions aux problèmes qui se posent.


Plants de citrons à la DAG, résistants contre les intempéries et la tristeza.

Plantation de taro

Charly gare son véhicule à l’orée d’une forêt qui débouche sur une vaste plantation de taro, les pieds dans l’eau. L’agriculteur Sylvain

Tehoiri, retraité à présent, gère son fa’a’apu depuis plus de 40 ans et vend ses tubercules sur l’île ; auparavant il en produisait davantage et les distribuait à Tahiti. Le taro n’appauvrit pas la terre, au contraire, il l’enrichit. Les plantations sont florissantes, et cela, sans aucun engrais.


Le taro, qui pousse idéalement en marécage, représente une culture d’avenir.

Pour la DAG de Tubuai, le taro est une culture d’avenir. L’organisme devrait ainsi obtenir 100 hectares de marécages pour la développer, et souhaite également mettre en place des plantations vivrières de bananes et d’’uru. Le but : favoriser l’autonomie alimentaire et un retour vers une alimentation plus traditionnelle. L’accroissement des cultures de taro permettrait aussi de répondre à la forte demande de Tahiti.



Le taro n’appauvrit pas la terre, au contraire, il l’enrichit.

Arboriculture des litchis

Parmi les terres domaniales confiées à la DAG de Tubuai, les plantations de litchis recouvrent 3,32 hectares. L’organisme possède une collection de 22 variétés, issues d’une sélection de Tahiti et de l’étranger. 2 à 3 espèces sont principalement commercialisées et par ailleurs marcottées vers les autres îles des Australes.

Avant, il y avait plus de constance dans la production des litchis. En période d’abondance, les branches chargées de fruits ployaient jusqu’à toucher le sol, se souvient Charly. Mais avec le réchauffement climatique, les saisons sont davantage perturbées, les productions également.



Plusieurs troncs sont balafrés de cicatrices

longitudinales : des incisions annulaires pour

induire la floraison ; et donc, une meilleure

production. L’écorce des troncs est incisée sur

un côté, la face opposée étant laissée intacte,

afin de jouer le rôle de tire-sève (les côtés sont

entaillés en alternance une année sur deux).

Un procédé réalisé lorsque la montée de sève

est à son maximum, vers le mois d’avril.



Le véhicule de la DAG parcourt à présent les sentiers montagneux en sens inverse, pour bientôt rejoindre la route côtière. Bordée d’’aito, elle longe les magnifiques plages cerclant l’île. Charly rejoint son équipe qui s’apprête à fêter le dernier jour de l’année. 2023 s’achève, laissant place aux promesses de 2024 pour l’île, ses habitants, et ses précieuses terres.

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