Texte & photo: Virginie Gillet
Né à Taravao il y a 41 ans aujourd’hui, d’un couple mixte formé par une maman polynésienne enseignante qui lui a donné le goût des livres et un papa français devenu préfet de Guadeloupe, Matairii Maire a grandi entre Moorea et la Métropole au gré des carrières de ses parents. “Très bon dans toutes les matières, même en sport”, il se crée très tôt ses propres méthodologies de travail. Mais c’est son départ, alors qu’il est en CE2, pour Paris, où il arrive sans ses parents et restera après des vacances chez sa grand-mère, qui déterminera durablement son mode de fonctionnement : confronté à un environnement éminemment étranger où même les mots sont étranges (“un vrai choc pour le petit de Moorea qui ne pouvait pas mettre de chaussures !”), Matairii devient un grand observateur des autres et de la vie, qui examinera désormais attentivement les choses avant d’agir. Resté à Paris jusqu’en 6e, il y devient aussi comme “un gourmand dans un magasin de bonbons”, fasciné par l’accessibilité de la culture. Il aura même du mal à revenir sur sa terre natale. Souvent perçu comme “un popa’a” au fenua, son identité sera désormais faite d’éléments pas forcément toujours évidents à concilier, héritage de sa double culture : curiosité des livres, passion des musées et lieux de culture, envies de partage, amour des gens, aspiration à une vie à la fois riche, simple et saine.
“Quand je reste trop longtemps loin de la mer, je deviens dingue”. Brillant ingénieur spécialisé en mécanique des fluides, Matairii Maire a toujours eu à cœur de réserver une place à l’océan en marge de sa très éclectique carrière professionnelle. À 40 ans, il a choisi de le placer au centre de sa vie en créant Va’a Spirit.
Pas de limite à son goût d’apprendre
Matairii est d’abord un gourmand de connaissances, qui ne met aucune limite à sa curiosité intellectuelle. Rentré en Polynésie jusqu’en seconde, il repartira en Métropole pour y devenir ingénieur ; un choix fait presque par hasard après qu’il ait été reçu à Maths sup, ayant postulé partout alors que son premier choix l’orientait plutôt vers une carrière d’artiste. Mais au terme de ses études, c’est en fait sa vie familiale qui décidera de l’orientation de son existence ; sa compagne polynésienne, rencontrée en France, voudra rentrer au Fenua et Matairii la suivra, avec l’idée de passer un doctorat localement. Ce projet restera lettre morte. Maitairii débutera alors sa carrière en montant sa propre boîte de soutien scolaire. En 2003, il deviendra directeur adjoint des services techniques à la mairie de Papeete, un poste très polyvalent touchant à l’urbanisme, aux marchés publics, au management. De 2006 à 2009, il sera chargé d’opération à l’OPH (l’Office polynésien de l’habitat). En 2009, nouveau changement de cap en direction de la mairie de Moorea où il deviendra directeur technique.
“La mer, c’est nous, l’océan, c’est nous, c’est sacré”
En 2014, après de gros soucis de santé, il devient chef de projet chez ExxonMobil. Et c’est là que le déclic se fait : celui qui voue une vraie passion à l’océan depuis l’enfance, une passion qu’il a essayé d’intégrer avec plus ou moins de succès à toutes les étapes de sa vie professionnelle – à travers des projets de clubs de va’a, des participations à des compétitions internationales interentreprises, en mettant le surf ou le va’a systématiquement en avant pour fédérer ses équipes – choisit de lancer son propre projet professionnel lié à l’océan en 2016. Devenu consultant indépendant, ce rameur passionné créé alors Va’a Spirit, une start-up qui vise à “devenir le AirBnB ou le Uber du va’a, en mettant en relation tous les acteurs du milieu en Polynésie et dans le monde afin de faire vivre l’expérience du va’a et de permettre aux clubs de se financer, en louant leurs va’a durant les périodes où ils ne sont pas utilisés”.
Mais cette start-up est en réalité un projet bien plus vaste, qui veut aussi démocratiser l’accès au va’a pour les femmes, les enfants, les handicapés, les seniors, renforcer la formation, préserver le littoral grâce à la présence des va’a, relancer la construction des pirogues à l’ancienne… jusqu’à créer du contenu dans les langues vernaculaires polynésiennes sur Internet. Bref, soyez à l’affût, les premiers forfaits Va’a Spirit sont sur le point d’être lancés. Et il ne s’agit là que de la partie émergée des immenses projets imaginés par Matairii Maire, un homme libre que nous n’avons pas fini de suivre.
La start-up Va’a Spirit a déjà remporté plusieurs prix, soutenue notamment par l’incubateur Prism de la Chambre de commerce (CCISM), la Direction générale de l’économie numérique et Tahiti Tourisme. Vice-président du club de va’a I Mua Nui de Moorea depuis 2 ans, Matairii avait aussi lancé auparavant sur l’île sœur une association de protection des requins baptisée Mao Tore Tore. Une association qui a contribué avec d’autres à l’adoption de la nouvelle règlementation en faveur des requins en 2006.
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