Le mono'ï de Mama Tahia
© Texte & photos : Benjamin Aguirre
Savoir-faire ancestraux
En quittant Tahiti par la mer, direction l’est pour deux semaines de navigation. Après l’archipel des Tuamotu, constitué de 77 atolls, qualifié dès le XIXe siècle d’îles aux perles, direction nord-est. Plus une île, juste l’horizon sans fin qui marie le ciel et la mer dans une évanescence hypnotique. C’est dans le petit village de Taaoa, dans la vallée du même nom, sur l’île de Hiva Oa aux Marquises, que nous sommes allés à la rencontre de mama Tahia.
Mama Tahia est la guérisseuse du village, elle a un peu plus de 80 ans et a toujours vécu ici, alors que ses douze enfants ont tous quitté l’île. Aujourd’hui, elle vit entourée des villageois et de son mari dans la vallée de Ta’aoa, célèbre pour son site archéologique, Upeke. Ils vivent du commerce du coprah, cette chair de noix de coco qui servira à la fabrication de l’huile de coprah. Ils vendent la matière première qui, après avoir été récoltée et séchée, sera transportée par bateau jusqu’à Tahiti. Aux Marquises, on compte 1600 hectares de cocoteraies, ce qui permet de faire vivre beaucoup de familles.
Mama Tahia fabrique aussi du monoï artisanal qui alimentera au niveau local, les villageois. Elle le fabrique à la manière des anciens, comme ses ancêtres lui ont transmis et qu’elle a bien voulu nous montrer. Transmis de génération en génération, c’est sa maman qui lui a appris ces savoir-faire. Elle lui a aussi transmis l’art de soigner avec les plantes, un savoir-faire et des rites issus de ses aïeux. Mama Tahia connait toutes les plantes de son île et elle sait surtout les appréhender (dans son sens philosophique littéral, « saisir par l’esprit ») pour en faire des remèdes pour de nombreux maux du quotidien. Ces connaissances ancestrales sont une véritable mine d’or, que son filleul Peahi apprend à son tour auprès de sa marraine. C’est très rare. Aujourd’hui, même si les mixtures au goût douteux de Mama Tahia sont souvent très efficaces, elles sont remplacées par les médicaments administrés par le docteur de l’île.
Les connaissances médicinales, ce rā’au
composé au fil des générations de prêtres
guérisseurs spécialisés s’éteignent à petit
feu dans les îles éloignées. La nouvelle
génération ne se rend pas compte à quel
point ces connaissances sont précieuses, et
qu’elles représentent plus que le fait de se
soigner de manière naturelle pour les bobos
de tous les jours (maux de tête, de ventre,
blessures) : elles sont le lien avec les ancêtres,
un pan de la culture marquisienne, où les
maux ont des origines diverses, naturelles et
surnaturelles, qu’il conviendrait de ne pas
oublier.
Peahi fera heureusement perdurer le savoir de mama Tahia après son départ.
RECUEILLIR L’AMANDE DE NOIX DE COCO
Après avoir été cueilli, les noix de coco sèchent au soleil pendant 10 jours environ afin d’atteindre un certain taux d’humidité (environ 10%).
TRAVAIL À LA MAIN
Elle utilise un pic (sorte de pied-de-biche) sur lequel elle plante d’un coup sec la noix de coco. Puis elle fait levier afin d’en arracher l’écorce. Travail physique qui demande le coup de main. Il en faudra une quinzaine pour obtenir 1L de monoï.
RAPER LA COCO
Mama Tahia râpe la chair de noix de coco à l’aide d’une râpe artisanale, sur laquelle elle frotte la noix à rythme régulier. Un rythme presque machinal qu’elle a pratiqué des milliers de fois.
LES VERTUS DE LA COCO
En effet, la chair de la coco est très huileuse, elle adoucie la peau ; l’huile de coprah qui en est extraite est la base du monoï.
LA BASE DU MONOÏ, L’HUILE DE COPRAH
Le monoï, qui signifie huile parfumée, littéralement, est fabriquée à base de l’huile de coprah extraite de la chair de coco.
LE PRESSAGE À FROID
Elle prépare la mixture de la coco râpée avant de la mettre dans un torchon pour en extraire le lait. Peahi reste attentif à tous les gestes de la vieille dame.
LAIT DE COCO
Après pressage, on obtient du lait de coco 100% pur. La coco râpée et pressée sera mise de côté dans un autre bol. Celle-ci pourra servir à nourrir les poules et les cochons.
MÉLANGE AVEC LES FLEURS DE TIARE
Le lait de coco obtenu sera mélangé aux fleurs de tiare pour macération pendant 2 semaines minimum. Il faudra obtenir le lait de 15 cocos macéré aux fleurs de tiare pour obtenir 1 litre de monoï.
Avec un certain nombre d’autres initiés, il est porteur d’une partie de l’âme et de la culture de ces îles du bout du monde.
C’était un grand centre cérémoniel, composé d’un grand tohua (place de cérémonies et espace de danses) entouré de paepae (plates-formes) et de deux me’ae (structures religieuses). Ce site a été révélé par Ralph Linton en 1925, puis restauré en 1991 par le Département Archéologie de Tahiti. La cour du tohua Upeke, longue de plus de 50 m, comprend plusieurs plateformes (paepae) dont l’une réservée aux sacrifices : le tuu.
Au milieu des gradins, la plate-forme surélevée était attribuée aux chefs, celle située à l’arrière, aux guerriers. La présence du très grand ua ma, fosse silo destiné à conserver le fruit de l’arbre à pain sous forme de pâte, révèle l’importance du site pour la survie de la population et son alimentation lors des périodes de festivités.
Le me’ae Pata, situé dans la partie haute du site couvre à peu près un tiers de la surface totale et est entouré d’un haut mur de pierre sur lequel pousse un énorme badamier. Cet arbre aurait été daté en 1990 par des agronomes qui lui auraient donné 420 ans. Cette partie supérieure était, d’après les renseignements obtenus par l’archéologue Ralph Linton en 1920, un espace tapu.
Elle est constituée d’ensembles de terrasses étagées, imbriquées les unes dans les autres, riches de pierres à cupules, d’aiguisoirs et de polissoirs.
En haut, dans la partie nord, se trouve la petite plate-forme surélevée qui supporte un tiki de pierre grise de 1,30 m de haut. Le paepae du grand prêtre (tahu’a) est situé sur le côté nord-est, un peu en contrebas. Une fosse parementée rectangulaire (pakeho) est creusée devant sa façade. Non loin du tiki, se trouvait une tête ovoïde de lave rouge foncé qui a été dérobée en novembre 2012.
En contrebas du parking, sur un petit paepae, on découvre une pierre ornée de pétroglyphes profondément gravés insérée entre les blocs de façade d’une sorte de banquette. La surface verticale est gravée de formes concentriques harmonieusement reliées entre elles pour former un seul dessin qui pourrait évoquer, pour le profane, une carapace de tortue. La pierre voisine est un polissoir, une autre, placée un peu plus loin sur la même façade, est creusée d’une cupule.
MAMA TAHIA ET LA NATURE
Elle a un lien très fort à la nature. Elle lui a donné tout ce dont elle avait besoin pour prendre soin de sa famille et de ceux qui croiseraient son chemin.
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Dossier à retrouver dans votre magazine Tahiti Wellness #01 - décembre 2021