Texte : Patrick Seurot - Magazine Tama'a #11 - décembre 2019
63 pages de pures recettes, 100 plats exceptionnels, la plupart spécialement créés pour le magazine Tama’a ! par les chefs du fenua… Il fallait bien en faire une sorte de best of.
C’est un exercice complexe, un arrache-cœur aussi, que de trier des recettes toutes aussi belles les unes que les autres, fruits du travail de nos restaurateurs. Les chefs qui les ont concoctées sont issus de restaurants indépendants, de restaurants d’hôtel (en Polynésie française, contrairement à d’autres pays dont la France où c’est plus rare, on se rend volontiers dans les hôtels pour passer un moment gourmand), voire même de snacks (eh oui, certains chefs de snacks et roulottes sont capables de vous proposer des plats qui valent le détour). Sans eux, nous l’avons dit dans Tama’a 01, répété dans le 5, réaffirmé dans le 8, pas de magazine. Car rien, dans Tama’a !, n’a jamais été que produit localement : aliments, terroirs, chefs, journalistes, impression, tout est local. Lors d’une présentation du magazine à un me’a kai en Nouvelle-Zélande (équivalent d’un ma’a Tahiti, humu kaikai enata aux Marquises ou d’un kaikai mangarévien), où plusieurs communautés des îles du Pacifique sud étaient présentes (Tongiens, Samoans, Tuvalu…), je distribuai pas mal d’exemplaires à gauche et à droite, en saluant les familles ou groupes d’amis, assis sur de confortables peue, sur l’herbe du grand parc Victoria, à Auckland.
Alors que je m’apprêtais à déguster un joli sauvignon blanc de Marlborough, un Clos Henri du ligérien Henri Bourgeois installé depuis quelques années sur les terres viticoles exceptionnelles de l’extrême nord de Te Wahi Pounamu, l’Île du Sud, un géant vint m’aborder… « Faaa cuz, you’re making all this stuff in Tahiti* ? », en me montrant les pages recettes qu’il feuilletait. Il avait d’abord cru que c’était un magazine farani de France, puis il avait reconnu quelques termes : ‘umara, fe’i, marara. Lui venait de Tonga, il travaillait dans un restaurant de Parnell. Partant d’un énorme éclat de rire, son énorme paluche, dessinée comme un godet de pelleteuse, posée sur mon épaule, il se pencha (je fais 1,87 m, vous imaginez le gars) et me confia à l’oreille : « Si tu devais faire un magazine comme ça sur mon île, bro**, tu aurais 10 pages ! ».
Dans ces moments-là, on prend mieux conscience de l’abondance que l’on a à notre disposition.
Si nous avons pu, en deux années, mettre en avant tous nos archipels, décortiquer l’histoire, la culture et la cuisine de plus de 40 produits du fenua, publier près de 300 recettes exclusives, c’est parce que notre fenua est riche de bonnes choses. Le manger-local n’est donc pas une punition, c’est un bienfait.
Partant de ce principe, le burger-frites-ketchup n’est pas une fatalité. Think about it.
* “Djo Brad, vous faites tout ça à Tahiti ?”
** frangin