De la lumière des projecteurs à la lumière intérieure
On veut vivre comme des gosses. Je crois qu’il y a une grande vérité dedans, dont on perd le fil en grandissant, conditionné par la peur, par les injonctions sociétales.
Maite Mai est une femme en quête de sa culture, d’elle-même, de vérité, d’amour, d’authenticité. Pour se trouver, elle a quitté les plateaux de télévision.
© Crédit photos : Valentine Divine et DR Maite Mai
La gardienne veille
Le parcours de Maite Mai est celui d’une femme qui se redécouvre chaque jour, de l’espace du cœur. Elle me reçoit dans la vallée de Hamuta, sur les terres familiales de son tāne.
" Le lieu vibre de douceur autant que de puissance. "
La gardienne veille et nous autorise à venir en ses lieux. Luxuriance de la nature, chant de la rivière et des oiseaux, bruine rafraîchissante…
Nous explosons le temps de l’interview, car nous ne le voyons pas passer : c’est un de ces instants au cours desquels l’horloge s’arrête, se met sur pause pour ouvrir un espace-temps unique et magique. Nous nous accordons naturellement. Je l’écoute, je prends des notes, elle parle, offrant sa vulnérabilité. Quel cadeau ! Merci infiniment…
Ouvrir des espaces sacrés
Sur ces terres ancestrales, Maite et Tamatoa (son amoureux et père de ses enfants) œuvrent pour le collectif. Maite a commencé à ouvrir des espaces sacrés le 11 octobre 2023, des ipu vahine. Ces cercles de femmes, soutenus par la nature environnante, constituent des moments précieux pour Maite.
Elle prépare l’endroit avec foi, amour, dévotion.
Lorsque les invitées prennent place, elles sont guidées par le cœur vibrant et ouvert de leur hôte qui ose partager son être authentique, les inspirant à se montrer sans masque. Cette vulnérabilité que je partage, parfois avec appréhension au début, est un cadeau pour nous toutes. Je le remarque encore davantage dans les ipu ora, cercles mixtes. Les hommes posent enfin les armes qu’ils pensent devoir porter et laissent couler des larmes trop longtemps retenues, des émotions trop longtemps refoulées, des paroles trop longtemps étouffées.
Dans ces espaces sacrés, chacun peut guérir, se réparer, se libérer, car accueilli sans jugement. Le cercle est un soutien incomparable. Maite et Tamatoa commencent à coguider et cocréer des ipu ora, dont le premier s’est tenu le mercredi 20 décembre.
Un renouveau perpétuel
Ce qui est beau lorsque l’on écoute Maite Mai parler, c’est de constater à quel point elle aborde chaque journée avec enthousiasme. Son regard, malgré les épreuves, reste celui de l’émerveillement. Chaque jour est un renouveau perpétuel, car Maite se réinvente, saisissant les occasions offertes par la vie de s’améliorer, suivant la voie de son cœur. Ainsi, elle anime autant de ipu vahine, de ipu ora que des ateliers de cuisine intuitive, des ateliers de coaching parental, etc. Maite utilise sa voix pour insuffler un nouvel élan de vie sur terre. Avec une grande humilité, elle suit simplement ses aspirations profondes afin de semer des graines d’amour, de partage, de communion avec la nature. Une de ses forces est de faire confiance à sa guidance intérieure.
Bien sûr, cela demeure un apprentissage. La première leçon a été donnée en 2017. À la naissance de mon premier enfant, j’ai senti comme un séisme en moi. Alors que tout allait parfaitement bien : présentatrice du journal sur TNTV, Tamatoa, professeur de mathématiques, la sublime maison construite sur un terrain encore plus sublime ! Nous répondions impeccablement aux critères de réussite de la société. Et pourtant… j’étais tellement mal : je ne me sentais plus à ma place nulle part. Je me culpabilisais d’être absente toute la journée et de ne pas voir mon enfant, je me culpabilisais d’être peu productive au travail, car manquant de sommeil et l’esprit brumeux. Je savais que ça devait s’arrêter.
Ancienne présentatrice du JT sur TNTV, Maite adore apprendre, se renouveler, découvrir et faire découvrir.
Les années charnière
Dans la vie, il est des années dont on sait qu’elles seront un tournant majeur. En ce qui concerne Maite, la première à s’être révélée décisive est celle de sa majorité.
J’ai grandi dans un milieu familial violent. Mon père me disait souvent que je pourrais parler quand j’aurais 18 ans et que, si alors la vie chez lui ne me plaisait pas, je pourrais toujours prendre la porte. C’est ce que j’ai fait. Je suis allée vivre chez mon unique amour, où ma belle-famille est devenue ma seconde famille. Les parents de Tamatoa m’ont soutenue financièrement, payant mes études à Toulouse. Une fois diplômée, j’avais soif de réussite pour leur rendre la pareille.
2012 est une autre année charnière au cours de laquelle Maite intègre les équipes de TNTV.
C’est grâce à Thomas Chabrol qu’elle doit sa place sur les écrans du fenua. Lors d’un stage pendant mes études, je l’avais rencontré et ses mots étaient restés dans mon esprit. Si vous êtes bilingue, revenez-nous voir, car on a besoin de personnes comme vous !.
Major de sa promo de licence en reo tahiti, titulaire d’un master en sciences du langage, elle postule à TNTV. C’est encore grâce à Thomas que ma vie a bougé. Il devait s’arrêter plusieurs mois, je l’ai remplacé pendant six.
Puis, la chaîne cherche un visage pour lancer son nouveau format de journal télévisé. Maite Mai incarne la Polynésie à l’écran pendant quatre ans et demi. Vient enfin 2017, l’année où le monde parfait de Maite bascule.
Amener la conscience dans sa vie
Maite découvre la maternité, version tremblement de terre ! Elle se rend vite compte du changement qu’elle doit réaliser, au risque d’y laisser des plumes. Si Tamatoa garde son poste d’enseignant, Maite démissionne de TNTV, se refait une santé mentale et physique, puis se tourne vers des formations afin d’amener la conscience dans sa vie. Lorsqu’elle participe à la Business Maker Academy de Steeve Hamblin, les questions abordées prennent du sens en elle : ma vie, est-ce que je l’ai véritablement choisie ou est-ce que je suis ce qui semble être dicté pour moi ? Est-ce que j’aime ma vie telle qu’elle est ? Que serait ma vie si je suivais mes aspirations profondes ?
Lorsqu’elle se lance dans l’entrepreneuriat, elle sait en son for intérieur que le chemin commence réellement ! Permaculture, cuisine intuitive et végétarienne, Maite Mai et son tāne sortent des sentiers battus, découvrent et adoptent un style de vie qui donne du sens à leur quotidien.
La maternité a bouleversé la vie de Maite Mai : rien ne pouvait continuer comme auparavant. Sa quête d’elle-même a commencé…
C’est à la naissance de leur second enfant que les choses s’accélèrent. Avec Tamatoa, nous avons été rattrapés par notre passé familial. La violence que nous avions connue, éprouvée, subie, est ressortie en puissance. Nous nous surprenions à crier, à taper et nous nous culpabilisions énormément, car jamais nous ne nous serions crus capables de reproduire ça sur nos enfants. Le couple, mis à l’épreuve, décide de prendre le taureau par les cornes. Maite entame des formations en éducation : Filliozat, gestion des émotions et des conflits, neurosciences, etc. Elle devient également assistante Montessori pour les 0-3 ans. Puis, elle découvre le film Être et devenir… une révélation !
Instruire ses enfants
Aujourd’hui, mes garçons sont scolarisés, car je ressens dans mon cœur que j’ai besoin d’espace et de temps pour m’épanouir et faire vivre mes projets, les nourrir. Mais je suis tellement fière de moi, d’avoir instruit mes fils en famille. Instruire en famille (IEF) était l’appel du cœur de Maite, comme un cadeau à vivre en présence, découvrir ses enfants au jour le jour, les laisser s’épanouir et être qui ils sont vraiment. Seulement, l’IEF est chronophage. Je le sais bien, moi qui enseigne encore deux de mes filles à domicile. Cela demande également une sacrée organisation et peut se révéler être un défi pour le couple. Tamatoa a été mon soutien moral et financier pendant cette période de notre vie. Les tensions amenées par l’insécurité d’un seul salaire nous ont permis de réparer beaucoup en nous, même s’il a fallu traverser des tempêtes !
Vient la covid et nous sommes comblés de notre choix d’instruire en famille qui répond à nos attentes, convictions et valeurs. Notre mode de vie, plus sain, plus naturel, plus dépouillé aussi, nous permet de tenir bon et de vivre correctement. Les enfants sont de grands maîtres, montrant aux adultes toutes les failles et blessures en eux. Si Maite est fière de son parcours, de ses cheminements personnel et professionnel, elle voit encore tous les blocages en elle. Reconnaissant ses limites à les lever, elle entame une formation en coaching de vie en 2020, dont elle sort diplômée en 2021.
Tamatoa et Maite se remettent en question pour leurs trois enfants, afin d’impulser un cercle vertueux dans leur famille.
S’offrir le cadeau de renaître
Cette année de formation en coaching a changé ma vie ! Elle a été aussi incroyable qu’éprouvante. Je me suis retrouvée, pour la première fois, vivant un grand dépouillement personnel et émotionnel dans un espace sacré d’amour.
Inévitablement, cela a secoué le couple qui parle à plusieurs reprises de séparation. Tamatoa et Maite, unis par un amour fort, prennent chacun leur responsabilité relationnelle, saisissant le moment pour grandir ensemble.
Tamatoa est touché par la transformation et la libération vécues par sa compagne. Il se forme, lui aussi, mais dans une voie qui va engendrer quelques tensions, ce qui sera l’occasion pour Maite de mettre en pratique les outils acquis lors des apprentissages en communication non violente, coaching de vie, etc. Le trading est la nouvelle passion de son tāne. Il lance rapidement son affaire, proposant des formations en investissement boursier. De son point de vue, l’argent est un moyen, pas un but. Maite accueille ce qui peut sembler opposé à ses idéaux plutôt anticapitalistes, vivant l’acceptation de l’autre en profondeur.
Lors de notre entrevue, nous échangeons de cœur à cœur. Aussi, me confie-t-elle son vécu récent, rempli de questionnements, de conscientisations, de situations plus ou moins aisées qu’il n’est pas utile de mentionner ici. Sans le savoir, elle m’enseigne une précieuse leçon : oser parler des épreuves de vie actuelles et des moyens mis en place pour les recevoir avec bienveillance et les vivre avec le cœur est non seulement un cadeau qu’elle se fait, mais également un cadeau pour moi qui l’écoute.
On a souvent l’impression que les enseignants spirituels, les coachs de vie et/ou en parentalité ont une vie facile, que tout roule chez eux, car c’est généralement l’image que l’on voit sur les réseaux sociaux ou dans leur communication. Maite me montre ses failles et je sens intérieurement une grande vérité. Sa vulnérabilité et le partage authentique de son expérience est une invitation à simplement être, un jour après l’autre. Et c’est ce que Maite Mai apporte lors des ipu ou ateliers qu’elle anime.
S’offrir le cadeau de renaître au quotidien.
Dans la luxuriance de la vallée de Hamuta, Maite et son tāne ont créé un petit jardin permacole très généreux. Maite Mai s’ouvre de l’espace du cœur, se montrant avec authenticité, humilité et justesse.
2024
Aujourd’hui, je sais pourquoi j’ai eu besoin de vivre tout ça. Toute ma vie, mon enfance, mes débuts professionnels, les sept années de développements personnel, spirituel, culturel. Je n’ai pas toujours été fière de moi : j’avais l’impression de m’éparpiller, de trébucher, rechuter. Maintenant, je comprends pourquoi.
Maite Mai aspire à vivre avec le vivant, car nous sommes le vivant. Avec Tamatoa, ils reçoivent jusqu’à 15 personnes dans leur sanctuaire niché dans la vallée de Hamuta.
Ipu vahine, ipu ora, ateliers parents-enfants, culinaires, After School…
Des espaces pour être porté par le cœur, déposer autant ses ombres que ses lumières, sachant que l’on sera accueilli totalement et inconditionnellement.
J’ai senti depuis longtemps que je serais chamane. Mais, pourquoi attendre jusque-là et être une vieille chamane ? J’en suis capable maintenant, donc j’ai ôté les peurs de légitimité pour suivre l’élan du divin, du sacré, de l’énergie de vie. J’ai foi en cette force plus grande que moi qui est tout autour de moi, et en moi. Celle que je vois à l’œuvre dans chaque espace sacré que j’ouvre et qui permet tant de belles guérisons.
Pour Maite Mai, tout est juste. Son parcours, elle le vit dans ses émotions, en posant des actions conscientes, soutenues par l’amour et la foi. Peu importe où tu en es sur ton chemin, si tu ressens l’appel du cœur, vas-y.
Ces mots sonnent comme le signal invisible qui nous sort de notre bulle temporelle. Le soleil, revenu depuis on ne saurait dire quand, a séché les flaques. Nous allons au jardin, prenons quelques photos, puis scellons notre rencontre. Chacune se tenant les avant-bras avec respect et tendresse, front contre front, nous échangeons nos souffles : aroha.