top of page

L’île d’éden : revenir aux origines

Blotti sur un motu de l’atoll de Tikehau, le jardin d’éden permet aujourd’hui à deux familles, soit 13 personnes, de vivre en autarcie presque complète. Le surplus de la production est vendu aux navigateurs de passage, aux habitants de l’atoll, voire aux magasins de Tahiti. L’aventure a démarré il y a tout juste trente ans.



Le petit paradis de Jacob Chan reste peu accessible. Une fois arrivé sur l’atoll de Tikehau, il faut compter, en moyenne, selon l’agitation du lagon, une heure de navigation supplémentaire. Mais l’accueil est à la hauteur de l’attente. Le propriétaire, chaleureux, se présente en bout de ponton pour recevoir les visiteurs. Il endosse alors, avec un plaisir non dissimulé, le rôle de guide. « Bienvenue sur l’île d’éden ! »


La visite commence.

« On ne manque de rien »

« Ici, on ne manque de rien, on a tout ce qu’il faut », annonce Jacob Chan en préambule. Le motu s’étend sur 3 hectares. Deux familles composées de 13 personnes au total vivent ici, loin du monde. « Depuis le début, c’est-à-dire depuis l’arrivée de mon grand-père Elie Hong en novembre 1993, l’objectif est de revenir à l’origine de tout. » La communauté mange des fruits et légumes de saison. Elle a, à disposition, du porc, du poisson, des poules pour les œufs. Elle produit du sel, du miel et de l’huile de coco. Le surplus est vendu à l’extérieur, aux navigateurs de passage, aux habitants de l’atoll et parfois même à Tahiti par l’intermédiaire de magasins comme Araka à Pirae. Les seuls produits importés sont : la farine, le riz, les pommes de terre et carottes, l’ail et l’oignon.


« Nous avons essayé de faire du sucre à base de betterave et du vinaigre, mais ce n’était pas intéressant. Cela nous demandait trop de temps et de manipulations pour une trop maigre quantité de matière obtenue. »

Un défi impossible

Elie Hong, en arrivant à Tikehau – il venait de Taiwan –, a cherché aussitôt un endroit isolé pour s’installer. Il a trouvé le motu devenu jardin d’éden. Il souhaitait se retirer du quotidien et s’extraire de la société, de la grande consommation et de ses travers. Il avait pour objectif une vie en autarcie avec les moyens de base. « Pour lui, il n’était pas question d’utiliser de pesticides, d’insecticides, d’OGM. À l’époque, cela paraissait comme un défi impossible aux yeux de tous. » L’initiative, en effet, est un véritable challenge . L’accès à l’eau est restreint sur les atolls. Par ailleurs, ils ont pour roche mère des débris coralliens, coquilliers ou d’algues calcaires. Difficile, donc, d’imaginer un jardin fertile dans un contexte pareil. Elie Hong a pourtant réussi. « Alors que nous n’avons pas apporté de terre de l’extérieur », insiste Jacob Chan.



Combat et détermination

En se dirigeant vers le fa’a’apu, Jacob Chan raconte : « Tout cela ne s’est pas fait du jour au lendemain, bien évidemment. Il y a eu des hauts et des bas ! Cela a été un véritable combat. » En 1996, par exemple, la houle a submergé l’atoll, anéantissant tous les efforts et obligeant la communauté à repartir de zéro après avoir drainé tout le sol devenu salé. « Mais la détermination a porté ses fruits ! » Les premières récoltes ont été possibles dès juillet 1994.


Tout d’abord, le motu, sauvage, a dû être débarrassé de « sa brousse ». Il a fallu trouver la lentille d’eau où puiser l’eau parcimonieusement (aujourd’hui, un système de récupération de pluie a été installé pour préserver la lentille d’eau), constituer un sol généreux. Les cocotiers poussent en nombre. Ils sont à la base de tout. « Pour commencer, nous avons utilisé des palmes de coco et la bourre de coco broyées, les troncs pourris pour mettre au sol. » Des animaux, porcs et poules arrivés dès 1993, ont produit de la matière organique pour amender le sol.


À l’entrée du fa’a’apu, le guide marque une pause autorisant une courte contemplation. À première vue, le carré paraît fertile, la nature, généreuse. La visite le confirmera. Le jardin est cerné de tranchées pour éviter l’intrusion des racines de cocotiers. Sans cela, elles pénètrent dans le verger et étouffent tout ce qu’elles trouvent. « On dit qu’elles mesurent la hauteur de l’arbre qu’elles nourrissent », précise Jacob Chant. Des buttes ont été construites. Elles sont ornées de ’aito. « Ce sont des légumineuses qui retiennent le sol et produisent de l’azote. » Une fois passé un petit pont d’accès, le guide désigne ses richesses : des acérolas, bananiers, moringas, papayers, figuiers, pommes étoiles, ’uru ou encore des mûriers à soie. « On ne cultive pas les vers », plaisante Jacob Chan, « on utilise les fruits pour de la confiture ou du sirop. » Au sol, selon les saisons, il y a aussi : des aromatiques, de la salade, des navets, des tomates, des aubergines, des patates douces, du piment, de la vanille… « On pratique la culture en symbiose, à ne pas confondre avec la permaculture. On remue régulièrement le sol pour apporter de la matière organique. » Au fil du temps, des variétés adaptées, les plus robustes et résistantes de toutes, ont été sélectionnées. Par exemple, les tomates Heinz ou Roma semblent les plus adaptées.






Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Tama'a# 28 - juin 2023

bottom of page