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Kauli Vaast rêve d’une médaille olympique

« Bleu, blanc, rouge : Tchaoure » : les cris de l’équipe de France se mêlent aux larmes de joie pour son cadet, Kauli Vaast, lorsqu’il apprend qu’il représentera la France à l’occasion des Jeux Olympiques de Paris. Originaire de Vaira’o, le surfeur tahitien s’est qualifié début juin en arrivant en tête du classement européen lors des championnats du monde ISA qui se sont tenus au Salvador. Son amie et coéquipière Vahiné Fierro y a également remporté le remporté le ticket d’or. Les deux Polynésiens rejoignent donc Johanne Defay, déjà qualifiée via le circuit professionnel, sous la bannière tricolore.


© Texte : Marie-Eléonore Noiré

Kauli Vaast médaille olympique

Un prodige du surf

Kauli Vaast découvre les joies de la glisse à quatre ans, avec son père. « Le surf, chez moi, c’est une affaire de famille. Ma mère en longboard, mon père en shortboard, ma sœur Aelan et mon frère Naiki aussi », énumère-t-il. Les Vaast ne sont jamais bien loin de leurs planches, et l’aîné de la fratrie a déjà un palmarès bien rempli. Repéré il y a bientôt dix ans par Raimana Van Bastolaer, il est triple champion d’Europe Junior (en 2017, 2019 et 2020) et finaliste de l’Outerknown Tahiti Pro en 2022. Sélectionné en équipe de France pour la première fois cette saison, à 21 ans, le petit prince de Teahupo’o est bien décidé à entrer dans la cour des grands, et espère décrocher une médaille olympique en juillet prochain sur la vague qu’il connaît si bien, autant parfaite que redoutable.

 

Kauli Vaast médaille olympique

© ISA/Pablo Jimenez


Le Salvador a été pour lui une belle découverte, puisqu’il y a obtenu le sésame olympique qu’il était venu chercher. « Ma sœur Aelan y est allée l’an dernier pour les championnats du monde juniors et m’en a beaucoup parlé. Elle savait que j’allais m’y plaire, car les vagues ressemblent à celles que l’on surfe à Papenoo quand c’est la saison. Et effectivement, quand je suis arrivé sur place, il y avait de belles longues gauches et de belles longues droites. Tout ce que j’aime ! J’ai beaucoup surfé la gauche à l’entraînement mais je suis surtout resté sur la droite en compétition à La Bocana, car elle était plus facile en backside pour un goofy », détaille-t-il. Côté quiver, il a utilisé plusieurs planches, « la plupart du temps des 5’11 (un step up par rapport à sa taille normale de 5’10, ndlr), et une 6’1 un jour de grosses vagues, avec les dernières dérives JS Industries et Al Merrick. »

Une ténacité à toute épreuve

Malgré un début de parcours sans faute, Kauli Vaast sort du tableau principal après la quatrième manche. Un moment qui aurait pu être difficile, mais qu’il confie avoir finalement assez bien vécu, car toujours dans la course pour la qualification olympique. « En passant aux repêchages, c’est comme si une nouvelle compétition commençait, avec deux fois plus de séries. Il a fallu se reconcentrer. » Ses efforts paient : il finit premier de sa série en repêchage 6, loin devant le champion du monde en titre Filipe Toledo. « Je ne savais pas contre qui j’allais tomber avant d’entrer dans l’eau et de voir les autres surfeurs dans leurs lycras », raconte Kauli Vaast. « Et pour être honnête, j’ai un peu fait abstraction des noms. Peu importe qui était dans la série, l’objectif était de passer. Il n’y avait vraiment pas beaucoup de temps, donc il fallait être sur le premier échange et faire partie des premiers scores de la série. J’ai pris mes vagues de mon côté », poursuit le jeune homme, qui, les yeux résolument tournés vers son objectif, ne semble céder à aucune distraction. Même la note de 9.43 qu’il obtient ne l’émeut pas tant. « J’étais content mais sans plus. Le score n’était vraiment pas ce qu’il y avait de plus important. » Pour se qualifier aux Jeux Olympiques, il faut éliminer un à un les autres participants européens.


« Une fois que le Portugais Frederico Morais a perdu en repêchage 9, il ne restait plus que l’Espagnol Gonzalo Guttierez », note Kauli Vaast. Ils s’affrontent pas moins de quatre fois. « J’essayais à chaque fois de faire mieux que lui et d’être premier sur la série, mais nous nous sommes qualifiés tous les deux à chaque fois. C’était une “battle” interminable et tout s’est joué sur la fin, quand je me suis classé troisième et lui quatrième en repêchage 12. »



© ISA/Sean Evans- ISA/Pablo Franco - SA/Pablo Jimenez

 

« J’ai mal commencé cette dernière série », reprend-t-il. « J’étais stressé, j’aurais pu mieux faire et aller en finale. J’en ai discuté avec Jérémy Florès (depuis peu consultant pour l’équipe de France, ndlr) et conclu que c’était ma pire performance. J’ai fait tout ce qu’il ne fallait pas faire. Mais c’est passé, et je préfère ne plus en parler », résume le surfeur. « J’ai appris beaucoup de choses sur moi-même. Je sais que j’ai le niveau et l’envie d’y arriver. Et quand tu veux, tu peux. Il y avait un bon mana dans l’équipe, et beaucoup de gens étaient là pour moi. » Il garde le souvenir d’un groupe soudé.

« Nous étions là les uns pour les autres. C’était beau, et nous avons fini deuxième au classement. »

Des objectifs d’excellence

Fatigué mais heureux, Kauli Vaast atteint son but grâce à une avance de 0.79 points sur Gonzalo Guttierez. « J’ai tout donné pour la qualification olympique, et tant pis si j’ai perdu les Mondiaux », déclare-t-il. « Tout le stress est retombé quand j’ai su que j’avais rempli mon objectif. » Célébré par ses coéquipiers dès sa sortie de l’eau, il enchaîne avec plusieurs interviews, lunettes de soleil miroitantes sur le visage pour cacher ses yeux gonflés. Fierté, joie, soulagement… Il cherche ses mots pour exprimer au mieux toutes ses émotions et salue la performance de Vahiné Fierro, avec qui il est heureux de représenter Tahiti, mais répète aussi à qui veut l’entendre qu’il a hâte de rentrer chez lui et de retrouver les siens. « Je n’étais pas rentré à la maison depuis le début de l’année », explique-t-il une fois de retour sur son île. « Si ma sélection en équipe de France marque le début d’une grande aventure, je reste concentré sur un autre objectif qui est le même depuis le début : me qualifier pour le WCT (World Championship Tour, le championnat professionnel de surf de plus haut niveau de la World Surf League, ndlr). Je ne pensais même pas participer aux Mondiaux ISA. Maintenant que je suis qualifié pour les Jeux Olympiques et qu’un rêve se concrétise, je vais m’entraîner pour le circuit professionnel. » Kauli Vaast participera en juillet à deux Challengers Series : d’abord le Ballito Pro en Afrique du Sud, puis l’US Open en Californie, pour peut-être intégrer la division élite avant de jouer à domicile en 2024.



Les douze prochains mois promettent d’être intenses, avec, au programme, de multiples tournois et une préparation olympique en solitaire. Un peu à l’image du moment qu’il passe tête sous la serviette, isolé du reste du monde, avant chaque compétition. « Je fais toujours un exercice de préparation mentale de quinze minutes avant d’entrer dans l’eau. C’est quelque chose que j’ai travaillé avec Irene Oyang chez RedBull, et qui m’aide beaucoup », précise-t-il. « Pour les Jeux Olympiques, je vais continuer à m'entraîner ici, à Teahupo’o, sur la vague que je surfe depuis que je suis petit. J’en profite quand je rentre entre deux compétitions. Je sais qu’il faut que j’y passe encore plus de temps : à apprendre, à observer… Le secret, c’est l’entraînement. Surtout à Teahupo’o, qui est ma vague préférée. Pour la surfer, il faut savoir la lire et avoir un esprit compétiteur. » Il pourra aussi compter sur les conseils avisés de plusieurs champions, désormais amis et mentors, qui l’ont soutenu pendant les Mondiaux : Jérémy Flores, qui « a les mots qu’il faut pour performer », mais aussi Hira Teriinatoofa et Frédéric Robin. Teahupo’o n’a jamais été la fin de la route pour Kauli Vaast, mais bien, comme l’écrit Ingrid Astier dans son roman La Vague, le début de tous les possibles.



© ISA/Sean Evans- ISA/Pablo Franco - SA/Pablo Jimenez


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