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Kamikatsu le village miraculé

© Textes : Alix Bauer - Photos : DR


Ce petit village de montagne de 1 600 habitants, situé au Sud-Est du Japon, sur l'île de Shikoku, recycle ... 80% de ses ordures. Une révolution possible grâce à plus de trente-quatre poubelles différentes ! Imaginez, nous qui avons du mal à recycler 20% de nos déchets et qui confondons nos poubelles grise et verte ...

C’est la voileuse férue d’environnement Maud Fontenoy qui a attiré notre attention sur ce village japonais, Kamikatsu dans une de ses chroniques dévouée à l’environnement. L’impulsion à ce tri exceptionnel fut donnée en 2003 par la Préfecture. Non pas après un débat avec les habitants et une prise de conscience collective, mais comme une obligation après des inquiétudes sur un potentiel empoisonnement à la dioxine. Ce tri précis, ne le cachons pas, a d’abord été vécu comme une punition.


Imaginez-vous, particulier, devant vous-même trier, laver et acheminer ses déchets dans des centres de traitement. De quoi détester le tri et les démarches éco-responsables, non ? Sauf que les habitants aujourd’hui ont pris l’habitude et ce programme fait désormais partie intégrante de leur quotidien. Ils exécutent ces tâches sans y penser, de façon tout à fait naturelle. Surtout, ils sont fiers d’être cités en exemple dans tout le Japon et ailleurs dans le monde. La « corvée » de départ est donc maintenant une récompense.

A Kamikatsu, 52 % des habitants ont plus de 65 ans. Le défi de taille a donc été de les convaincre de se plier à un tri aussi exigeant, très éloigné de leurs habitudes de base. Pourtant, avec du temps et la bonne volonté de chacun, tous ont décidé de s’engager pour les générations futures. Conserves en aluminium, canettes, bouteilles en plastique, capuchons, cartons, flyers, journaux… tout y passe.




Les citoyens du village de Kamikatsu n'attendent pas les solutions accoudés au comptoir d'un bar.


Le bar, ils l'ont construit, en rassemblant un maximum de déchets. Le bâtiment, haut de 8 mètres, est une prouesse écologique et architecturale dont la structure est composée de bois et de fenêtres récupérées sur des maisons abandonnées.








L’objectif futur de ce village est de taille : atteindre zéro déchet non recyclé d’ici 2020. Quand on demande à Akira Sakano, fondatrice et présidente visionnaire de la Zero Waste Academy, si Kamikatsu atteindra son objectif, elle explique : « Zéro déchet, c’est un but qu’on n’est pas obligé d’atteindre. Zéro est un slogan, comme “zéro alcool au volant” ; on sait qu’il y aura toujours un incident. Mais en disant “zéro”, on peut être assez créatif pour atteindre 99% de l’objectif, engager plus de monde, ce qui est le but principal du mouvement. » Comme on peut faire rimer écologie et économie, ce programme est non seulement une réussite écologique et environnementale, mais également économique, puisque les coûts du tri ont été réduits de deux tiers comparé à la période où la ville avait recours à un incinérateur.


Fort de ce succès, de nombreuses autres initiatives écologiques ont peu à peu vu le jour, comme un magasin gratuit d’objets récupérés, une usine de vêtements fabriqués à partir de matériaux recyclés (kimonos, drapeaux), ou une brasserie construite avec des éléments respectueux de l’environnement… C’est donc actuellement plus de dix tonnes d’objets d’occasion qui sont déposés et près de 9,7 tonnes qui trouvent un nouvel acquéreur. Naturellement, ces systèmes de tri inspirent !

À LA DÉCHETTERIE, UNE AFFICHE INDIQUE :

S’il peut servir, il a de la valeur. S’il est trié, c’est une ressource.

C’est ainsi qu’à Yokohama - la seconde plus grande ville du Japon avec 3,7 millions d’habitants - les citoyens disposent d’un manuel de 27 pages sur la façon de trier plus de 500 articles différents. Et ce sont plus de 2500 visiteurs annuels, japonais comme étrangers, qui se déplacent sur ces sites d’exception pour y chercher des conseils et techniques concernant la réduction des détritus.

Il ne reste qu’à notre Ministère de prendre l’initiative.

Personne au fenua ne serait contre… même si, comme à Kamikatsu, ça grognerait quelques mois.




InstanTANE #05

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