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Innovation et développement durable

Interview

« Aujourd’hui en Polynésie, on est clairement plus dans l’ère de l’Innovation que simplement celle du numérique »


Président de La French Tech POLYNESIE, Olivier Kressmann


Où en est-on du numérique aujourd’hui en Polynésie ?

« On est clairement déjà plus dans l’ère de l’Innovation que simplement celle du numérique aujourd’hui en Polynésie. La question ne se pose plus et le numérique est devenu un usage de notre quotidien. Un peu comme allumer l’électricité. C’est une évidence incontournable avec le même naturel d’utilisation. Il faut arrêter de penser que c’est quelque chose de moderne, que c’est le futur. Le numérique, c’est notre quotidien et l’innovation le moteur pour un demain meilleur. Ceci étant dit, il faut bien distinguer le contenant du contenu et l’un ne va pas sans l’autre.


C’est-à-dire, pourquoi distinguer ces deux éléments ?

« Dans le cadre du développement du numérique, c’est bien évidemment le sujet et sa qualité de traitement qui prime. C’est cela le contenu et il est vaste de couverture comme par exemple la santé, l’éducation, la formation, l’énergie…. Mais rien n’est réellement possible sans une infrastructure et des services de télécommunication abordables, performants et fiables qui caractérise le contenant.


Qui s’occupe du contenant en Polynésie ?

« C’est Opérateur public OPT et qui l’assure. Mais étonnement, on a un opérateur historique qui répond plus par une logique économique et de rentabilité que par une gestion au sens politique de l’intérêt général avec un réseau de l’Information au même titre que le réseau routier.  Le terme d’autoroute de l’information n’est pas anodin. Le numérique doit suivre la même logique que celle des transports terrestres avec des financements soutenus du Pays comme par exemple le 3e instrument financier de l’Etat. En 2021, il n’y a plus de raison de s’interroger sur un meilleur accès à Teahupoo par la voie routière que par la voie numérique. On touche là un des points clé de la très importante réussite de l’Intégration numérique par les pouvoirs publics. »


Où en est-on de ce contenant ?

Le câble Honotua est opérationnel depuis maintenant plusieurs années et est notre seul « cordon ombilical sous-marin numérique » avec le reste du monde via Hawaii. En complément, le désenclavement des Archipels a été engagé avec le récent câble Natitua qui apporte des accès haut-débit aux Tuamotu-Gambier et aux Marquises.  Mais attention à aller jusqu’au bout de la démarche de ces connexions sous-marines inter iliennes en veillant à bien finir le travail en intra-iles avec des « boucles locales » techniquement cohérentes avec le Haut-Débit. À défaut c’est comme une autoroute 6 voies qui déboucherait sur une classique route départementale : un débit de circulation forcément saturé et sans performance … dons vite inexploitable en Haut-Débit.  



Enfin et pour sécuriser le 1er câble Honotua, un deuxième câble Manatua a été tiré vers l’ouest de l’Océanie. Son atterrage est, je crois, réalisé et sa mise en œuvre est donc imminente (interview réalisée en janvier 2021). Natitua est très important pour l’attractivité économique de la Polynésie et donc pour son rebond, à l’heure du tout numérique et du pilotage à distance.


Que faire pour accélérer les choses ?

« C’est en cours ou en tout cas les travaux autour du Plan de Relance 2021/2023 le laissent entendre. Il appartient au Politique d’affirmer ce nouvel élan, cette une nouvelle vision sur le « avec qui » et « comment » la Polynésie doit rattraper son retard assez considérable concernant son Infrastructure de télécommunication. Car l’OPT ne peut plus tout faire et n’en a pas les moyens. Ce n’est pas un reproche mais un simple constat. Chaque jour, de nouveaux contenus poussent fort dans nos Archipels … que cela soit au niveau des entreprises, des collectivités (beaucoup !) ou même des particuliers. C’est tout l’effet

« Tech4Islands, des solutions numériques bonnes pour les iles, bonnes pour la planète » 

qui s’affirme aujourd’hui et les tavana l’ont parfaitement compris en matière d’énergie, d’économie circulaire, de santé, d’éducation, de formation. Nombreux sont les acteurs privés locaux prêts à les accompagner dans leurs projets numériques, participant aussi alors à la création de nouveaux Emplois dans nos iles et beaucoup plus attractifs pour les jeunes polynésiens. Un 1er signe fort, lors de l’ouverture de la session budgétaire 2021, a été donné par Le président Édouard Fritch qui a annoncé la mise en place d’une étude de performance des télécommunications en Polynésie française. C’est une très louable décision qui plus avec un Plan de Relance qui intègre largement la transformation digitale de la Polynésie française de Demain. Construite autour de l’esprit avant-gardiste de Smart Polynesia 2018/2023 et largement relayé par le concept mondial de la Tech4islands, 100% French Tech Polynésie. On a indiscutablement une sacrée belle carte innovation à jouer. »



Quel développement pour le numérique ?

« La transformation digitale du pays a été qualifiée dès 2018 dans le précieux Schéma de développement Smart Polynesia. C’est là le fruit d’une parfaite co-construction Public/Privé amené à réfléchir aux besoins et aux axes de développement. C’est un projet ambitieux et déjà bien engagé qui travaille sur les infrastructures, les contenus et la gouvernance… Au total, 22 actions ont été identifiées, + de 60% de ces actions ont été lancées, le Digipol, 1er des 22 points,  est hélas le moins avancé mais devrait voir une renaissance encore plus dans la convergence des forces d’innovation (voir encadré), la dématérialisation des services de l’administration est une réalité qui ne cesse de croitre et avec le concours d’acteurs locaux compétents, la dématérialisation dans les entreprises comme les facturations, la paye, a également sérieusement commencée .

La dématérialisation est le socle de la transformation digitale.

Mais, il est vrai qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Mais dans le numérique, tout va tellement vite… »


Quelles entreprises s’emparent du numérique ?

« On aurait tendance à croire que ce sont les grosses sociétés.

Or, les TPE et TPME sont tout à fait engagées voire plus.

L’impact pour elles est peut-être moins lourd que dans les grandes entreprises qui doivent comprendre que la conduite du changement amène à revoir leur organisation. L’impact organisationnel et sociétal est non négligeable, il a un coût, il implique une certaine ‘agilité’ à savoir une capacité d’adaptation, une bonne réactivité. Si l’on ne tient pas compte de cela, on va droit à l’échec car n’oublions pas que derrière une transformation digitale, il y a des femmes et des hommes qui la vivent, qui la valorisent. »


Vous parlez d’impact organisationnel, c’est-à-dire ?

« Il faut accepter de partager l’information, de développer le travail collaboratif, s’obliger à être plus participatif, plus transparent. Le digital est perçu comme l’anti ‘on ne doit pas dire’ ou ‘on ne doit pas savoir’ ….

Et l’un n’empêche pas l’autre ! »

Dans quels secteurs le numérique a-t-il sa place ?

« Tous bien évidemment ! La santé, l’éducation de toute évidence, mais aussi le tourisme, la pêche, l’environnement, l’agriculture, l’industrie, le commerce direct ou indirect, l’énergie, les services en général, l’administration presque en 1er ! »


Le numérique a un coût environnemental, pourtant, il participe au développement durable, n’est-ce pas contradictoire ?

« Le stockage des données, le refroidissement des serveurs, la fabrication des appareils mobiles est coûteux pour l’environnement. Il y a toujours un pendant au développement mais on ne peut revenir en arrière. Peut-on arrêter le tourisme qui, lui aussi a un impact carbone fort avec les avions ou les bateaux ? Non, mais on peut réfléchir à mettre en place un tourisme vert, plus respectueux de l’environnement, moyen de faire contrepoids de l’empreinte-carbone des moyens de transports. Pour le numérique c’est la même chose. Il faut intégrer cette donnée dans le développement du numérique car les avantages, eux, sont nombreux … et notamment pour un meilleur impact écologique. C’est cela la Tech4Good au plan mondial, et la Tech4Ilsands pour les Iliens ! »


Quels sont les impacts sur les entreprises d’un tel développement ? Ne faut-il pas craindre l’exclusion numérique par exemple, la mise au ban d’une partie de la population, la disparition de certains métiers ?

« Ce sont des questions qui doivent se poser en effet et pour lesquels il nous faut des réponses qui tiennent compte de la situation de chacun. Il ne faut laisser personne sur le bord de la route du numérique, donc permettre aux usagers où qu’ils soient d’y avoir accès. Quant aux emplois et à l’impact du numérique sur les entreprises, il est vrai que les organisations vont devoir changer et s’adapter. Le management est impacté. Je crois qu’il ne faut pas oublier que le numérique est aussi pourvoyeur d’emplois. Plus 85% des métiers de dans 10 ans ne sont à ce jour pas connus. »


 

Feu vert pour Digipol

La Polynésie souffre de l’absence d’une zone d’activité économique dédiée à l’industrie de l’innovation.

Si des mécanismes financiers existent pour encourager la création d’emploi et le développement d’activités économiques via la création d’entreprise, il n’existe pas de programme d’aménagement du territoire concentrant en un même lieu les industries de l’immatériel.


Pour répondre à cette problématique, le Pays s’est engagé dans la mise en place d’espaces de convergence visant à stimuler l’écosystème constitué des réseaux de partenaires et des co-contractants qui participent à cette industrie de l’innovation. Cette industrie de l’innovation et de l’immatériel créera à terme des emplois et de la valeur, elle servira par ce biais l’accélération des autres industries de l’économique polynésienne.


Dans ce contexte, Digipol (projet de développement économique et social associé au Plan de relance du Pays ainsi qu’à sa politique sectorielle, Smart Polynesia) est lancé. La Direction générale de l’économie numérique (DGEN), en coordination avec Les Grands Projets de Polynésie (ex-TNAD), a engagé, en 2019, la mise en place d’une étude de programmation afin de localiser et d’identifier les équipements techniques nécessaires à l’émergence d’entreprises innovantes. Lors du Conseil des ministres du 23 décembre, un programme pilote sur 18 à 24 mois a été annoncé pour le second trimestre 2021. Il vise à lancer une dynamique dans le secteur, à inclure l’ensemble des acteurs de l’écosystème, à valider le modèle économique final, à faire émerger les premières « pépites polynésiennes » et à les accompagner vers les premières levées de fonds et à l’accès aux marchés, à créer une offre complète d’accompagnement et de financement de l’innovation (publique et privée) et enfin avec l’objectif de susciter des vocations pour les filières innovantes.


La future entité Digipol se veut également l’outil qui participera à l’attractivité et au rayonnement du Pays et plus particulièrement sur les sujets de développement durable, de développement insulaire et de Blue Tech. A terme, la gestion de ses activités sera autonome afin d’atteindre un équilibre financier sur un modèle d’une répartition équitable entre les acteurs publics et privés.


 


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