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David Proia

Tant qu’il est encore temps

Texte & photos : Virginie Gillet


Si vous résidez en Polynésie, difficile d’être passé à côté de ses initiatives en faveur de l’environnement ces dernières années, tant David Proia a déployé d’énergie à les mettre en œuvre. Ce professeur d’éducation physique de 45 ans est désormais indissociable d’un splendide et rare oiseau polynésien, le Lori de Kuhl, dont il a fait une peluche et une mascotte afin de mieux le défendre. Mais son combat ne s’arrête pas là et David nourrit une multitude d’autres projets.



Né à Lyon en 1973, David a la chance de faire, enfant, un voyage en Polynésie française qui laissera toute la famille durablement “ piquée au tiare ”. Rentrés en France à l’issue de ce séjour de rêve, les parents et leurs trois fils y retrouvent le fil de leur vie métropolitaine sans jamais oublier le Fenua. Après avoir poursuivi ses études jusqu’à un CAPEPS qui lui ouvrira les portes de l’enseignement de l’éducation physique et sportive, David choisit de s’envoler de nouveau vers la Polynésie afin de rejoindre ses frères Xavier et Guillaume, dont il est très proche et qui ont tous deux succombé aussi à l’appel de ce paradis lointain demeuré dans leurs mémoires. En 1997, David s’installe donc à Tahiti pour ne plus jamais repartir, effectuant même son armée à la base navale de Papeete avant de débuter son activité de professeur de sport. Dans les années 2000, la fratrie sera d’ailleurs définitivement rejointe par ses parents, qui auront passé 10 ans de leur vie à faire la navette entre leur terre natale et leur rêve du bout du monde.


Un coup de foudre pour un oiseau

Quelque temps après son arrivée, David eut l’opportunité de faire une croisière à bord du paquebot Paul Gauguin jusqu’en Micronésie où il fit une rencontre qui allait bouleverser tout le reste de sa vie : celle du lori de Kuhl (Vini kuhlii), un tout petit perroquet aux “couleurs de l’arc-en-ciel, une merveille de la création”, dont la découverte va plus que le toucher, “l’électrochoquer”. Chez nul autre oiseau, David n’a vu un tel assemblage de couleurs, aussi vives, que chez ce petit psittacidé très vif, remarquable aussi par son sifflement aigu. Le jeune homme est suffisamment ébranlé pour se renseigner sur l’animal, qu’il découvre en danger, menacé d’extinction à cause du rat noir notamment dans toutes ses zones de peuplement, des forêts tropicales des Kiribati jusqu’aux îles Cook où il a été réintroduit, mais endémique de Rimatara aux Australes où il a bénéficié d’un tapu (un interdit) instauré par une ancienne souveraine de l’île. Réfugié sur cette île haute qui est l’une des deux seules de Polynésie (sur cent dix-huit !) indemnes du rat noir, la survie de ce petit lori ne tient qu’à un fil et David se fait la promesse d’en parler un jour, tôt ou tard, afin de contribuer à le sauver. Les années passent, David se lance à fond dans le sport de haut niveau, en judo et en lutte, jusqu’à ce que la naissance de sa fille Vikki, en 2010, lui apporte le déclic tant attendu…


Donner un sens à cette aventure en Polynésie

Celui qui dit avoir été “éduqué”, tout simplement par ses parents (qui possédaient une grande volière durant son enfance, rassemblant plusieurs espèces d’oiseaux) au point de “n’avoir jamais jeté un papier par terre, ni fumé” et pour qui “sans éducation, une civilisation meurt” décide de se dévouer au sauvetage de cet oiseau si beau pour que sa fille puisse vivre dans un monde où le lori de Kuhl existe encore. “Je voulais le sortir de l’ombre où il était presque réservé à une élite de chercheurs vétérinaires afin de le faire connaître au monde.” La première idée qui lui vient est de créer une peluche à son image afin “d’offrir le plus doux des doudous à ma fille”. “Tu ne peux pas trahir ton enfant : ce projet devait aboutir car c’est un engagement que j’avais pris auprès d’elle.” La peluche deviendra donc une réalité grâce aux dessins de la maquettiste Mickey Moto et de l’infographiste Claire Joffrédo. Mais ce dessein ne tardera pas dans le même temps à prendre une tout autre ampleur car David s’est résolu à entreprendre une démarche inédite, en visant d’abord les enfants, ensuite pour remercier les Polynésiens de leur générosité et enfin inscrire le sauvetage de cet oiseau dans un projet multisectoriel à visée éducative, culturelle, environnementale, touristique, ou plutôt écotouristique. David rêve désormais aussi de permettre aux touristes d’être émerveillés par la beauté de cet oiseau, comme il l’a été, afin de leur donner envie de participer à leur niveau à la préservation de leur environnement.



Un code moral et une énergie tirés du sport de haut niveau.

David Proia se retrouve ainsi très rapidement engagé dans ce qui est devenu une véritable démarche d’entrepreneuriat d’économie sociale et solidaire soutenue essentiellement par ses fonds propres. Vik’Ura, la version peluche du lori de Kuhl (nom qui réunit le prénom de sa fille et une autre appellation de l’oiseau, le‘urade Rima-tara), deviendra une mascotte présente notamment sur tous les événements sportifs d’envergure à commencer cette année par les championnats du monde de va’a vitesse. Elle deviendra parallèlement l’héroïne d’une bande dessinée, sous le crayon du dessinateur Munoz, qui ne tardera pas à la mettre en scène avec ses deux nouvelles partenaires, Vik’Iti (le Pihitiou ori ultramarin endémique de Ua Huka, aux Marquises) et Vik’Ana (le Vini Peruvianaou lori nonnette que l’on rencontre encore à Rangiroa, Kaukura, Arutua, Apataki, Tikehau et Mopélia), deux autres espèces menacées. Très rapidement soutenu par les associations accréditées sur zone, à qui il reverse d’ailleurs des dotations sur la vente des peluches afin de soutenir leurs efforts pour préserver ces espèces mais aussi leurs actions en matière de reboisement des forêts et de lutte contre les rongeurs afin d’éviter l’intrusion du rat noir, David tient à se rendre au moins une fois par an sur chaque île concernée afin de faire le point de ces efforts. Plus que jamais engagé à “ réveiller les consciences ”, il a aussi adapté plus récemment les aventures de Vik’Ura en jeu vidéo grâce au concours de quatre étudiants polynésiens de l’école tahitienne des arts et métiers du numérique Poly3D, sans compter encore s’arrêter en si bon chemin ! Pour ne retenir que l’essentiel de ces projets, après avoir déjà trouvé à chacun de ses jolis personnages ailés des marraines de renom, citons des magnets en cours d’élaboration, deux autres mascottes à taille humaine qui incarneront respectivement Vik’Iti et Vik’Ana à l’horizon 2019 pour la première et 2021 pour la seconde, la réalisation de reportages civiques audiovisuels sur ces trois loris, un kit éducatif en collaboration avec la direction de l’Environnement… et enfin la réalisation d’un film d’animation 3D que les gens réclament et qui serait sans doute le meilleur outil qui soit pour que les Polynésiens avant tout se réapproprient cet héritage et soient sensibilisés à la conservation de l’espèce.



Emporté par une énergie folle qui a fait venir jusqu’à nous l’existence de ces trois loris, David Proia est d’ailleurs en quête aujourd’hui de nouvelles collaborations (dessinateurs, concepteurs, etc.) pour continuer à défendre cette cause qui, au-delà de celle de la préservation de ces oiseaux, lui tient tellement à cœur : celle de l’environnement. “ Pendant la durée de mon existence sur cette Terre, on a détruit 60 % des animaux sauvages. Si les animaux disparaissent, nous ne tarderons pas après. Et je ne peux pas m’y résoudre sans rien faire. Si tout le monde pouvait prendre conscience que c’est pour notre existence !Ce projet sort des tripes ”.


Nul doute qu’il continuera à prendre de l’ampleur.


InstanTANE #04


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