top of page

César Villa

L'appel du large


La valeur n’attend pas le nombre des années. Mais ces dernières ne déterminent pas non plus la capacité à forcer l’admiration. César Villa en est bien la preuve, aussi touchant que déterminé, du haut de ses 18 ans, à dédier toute son existence à sa passion pour la navigation de plaisance. Et ce malgré une maladie, l’épilepsie, qui lui a fait vivre des moments très durs. Fort déjà d’un joli palmarès, il a pris part, en juillet dernier à la Transpac Tahiti, disputée en mode virtuel en 2020 pour cause de pandémie, battant au passage le record de l’épreuve.



César, actuellement en terminale S au lycée Gauguin de Papeete, vise aujourd’hui l’intégration dans une école d’ingénieurs à Orléans afin de poursuivre des études d’aéronautique et d’aérospatial, passionné par « tout ce qui touche à la glisse ». Né à Tahiti d’un papa lui- même ingénieur dans le bâtiment et d’une ma- man décoratrice d’intérieur, César Villa, tombé dans la marmite de la voile dès l’âge de 5 ans, n’est pourtant pas en cela l’héritier d’une tradition familiale. Son père, originaire de la région parisienne, a bien pratiqué cette activité dans le Sud de la France notamment, dans le cadre de loisirs, mais rien d’équivalent à ce que cette discipline, découverte à l’occasion de stages pour enfants durant les vacances scolaires, a pu inspirer à son fils.


Après 2 ans d’initiation, le jeune homme se tourne entre 7 et 8 ans vers la compétition.

Suivi dans cet engouement par ses parents, il ajoute des cours aux stages avant d’en faire une activité très régulière : la découverte s’est muée en passion. Il délaisse pour elle tous les autres sports, tennis, natation... « C’est quelque chose qui vient de moi, mais que mes parents ont totalement compris en me poussant pour que je persévère. Pour eux, il n’était pas question que je lâche. » De 7 à 15 ans, César, fidèle au Yatch Club de Tahiti depuis ses débuts, fait de la compétition en Optimist, un petit dériveur en solitaire, généralement utilisé pour les initiations des enfants, tout en s’essayant petit à petit à d’autres types d’embarcations : Hobie Cat, Lazer, Nacra, Diam 24.

Il évolue au sein d’un petit groupe de la même tranche d’âge, qui participe à toutes les compétitions locales et dont les membres montent ensemble en niveau dans une belle émulation. « On se tirait la bourre, il y avait beaucoup de rivaux, mais grâce à ça on progressait bien ; c’était top. » Au fil des années, il engrange un titre de champion de Tahiti et un second de Polynésie en Optimist, deux autres semblables en Lazer et ne compte presque plus ses places de vice-champion en Hobie Cat même si « c’est horrible d’être deuxième » !


« C’est quelque chose qui vient de moi, mais que mes parents ont totalement compris en me poussant pour que je persévère. Pour eux, il n’était pas question que je lâche. »


Un concurrent sérieux

Malgré la problématique récurrente du financement, il a l’occasion de prendre part à des compétitions de plus grande ampleur. Il participe notamment à trois championnats de Nouvelle-Zélande (ouverts à l’international, à commencer par les athlètes du Pacifique) en Optimist (il finira à chaque fois dans les 90 premiers), à un championnat du monde de Hobie Cat en Hollande (qu’il terminera à la 4e place) ainsi qu’à un championnat du monde de Lazer, au Texas, l’année de ses 17 ans. Avec ses deux partenaires, Tom Lamotte et Maya Louviot, ils ont été invités à prendre part à cette compétition, fruit d’une sélection redoutable, qui rassemble les meilleurs jeunes de moins de 19 ans de près de 64 pays, la plupart des concurrents étant bien plus âgés. Il aura aussi l’occasion de vivre en Polynésie une très belle compétition internationale sur Diam 24, le Grand Prix de La Pacifique des Jeux, disputé fin 2018 ; une épreuve constituant la dernière étape du Tour de France à la voile. Cette course qu’il vivra de nouveau avec son complice Tom Lamotte et leur coach Didier Arnould, disputée entre Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea puis Bora Bora, présente en outre la particularité d’offrir la plus longue distance de cette com- pétition, environ 100 nautiques, entre Moorea et Huahine. C’est dire la qualité de son engagement et de sa participation...



César, qui apprécie de plus en plus de courir en équipage, avoue désormais une préférence pour le Nacra 15, un catamaran multicoque de performance utilisé pour la course, très rapide, ultra-moderne et très répandu dans le monde. Devenu un support olympique, sa pratique fréquente a permis de voir naître autour de cette embarcation une concurrence élevée et d’as- sister à une élévation du niveau qui stimulent vivement le jeune homme, grand compétiteur dans l’âme. Cet engin a aussi le mérite d’être moins dangereux que son grand-frère, le Nacra 17. Dans le même temps, César se passionne toujours davantage pour tous les autres aspects de cette discipline ô combien stratégique : la recherche des budgets forcément très coûteux, les réparations liées aux inévitables « casses », les choix tactiques, les réglages minutieux, la météo... Tout pour lui devient profondément addictif, du stress intense de la ligne de départ à la détermination à vouloir contrôler tous les autres aspects de ce sport en amont. « Et ça m’étonnerait que je change d’avis un jour... »


Un douloureux coup du sort

Mais dans cette irrésistible ascension, soudain, une très mauvaise nouvelle se profile à l’horizon : César déclenche de manière totalement inattendue une maladie neurologique chronique, très douloureuse et à l’origine de crises de survenue toujours imprévisible, l’épilepsie. Il est empêché de pratiquer à une semaine des derniers Jeux du Pacifique, après des mois d’un entraînement extrêmement intensif.


La déception est immense, le coup est dur, l’inconnu total.

Privé de plan d’eau pendant un an et demi, César ira jusqu’à Paris pour subir des examens au sein de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière dans l’espoir de trouver un traitement susceptible de stabiliser son état. Même s’il est « content d’être devenu un outil de recherche scientifique » à propos de cette pathologie dont on sait encore trop peu de choses, César est surtout infiniment soulagé aujourd’hui d’être de nouveau, depuis très peu de temps, autorisé à faire de la voile, lui qui envisage d’en faire son métier en tant que compétiteur professionnel et rêve d’intégrer l’équipe de France pour devenir champion olympique en 2028 ou 2032.




Il rêve d’intégrer l’équipe de France pour devenir champion olympique en 2028 ou 2032.










L’opportunité de la Transpac Tahiti

Et en attendant de reprendre le chemin de la compétition, César aura eu l’occasion de re- nouer avec sa passion de la course en disputant la Transpac Tahiti, dans des conditions un peu exceptionnelles. Le départ de la « vraie » épreuve dut en effet être annulé en début d’an- née pour cause de Covid-19. La course s’est donc muée en épreuve virtuelle sur Virtual Regatta, grâce à la détermination de ses organisateurs, Transpacific Yacht Club à Los Angeles, relayés localement par Archipelagoes.

Cette course mythique créée en 1925, ralliant Los Angeles à Tahiti et régulièrement disputée par de grands noms du nautisme, à commencer par Éric Tabarly à bord de Pen Duick, devait vivre sa 16e édition en 2020. Son départ aura quand même été donné le 28 mai, en ligne cette fois, suscitant un vaste engouement aux quatre coins du monde avec un nombre impressionnant de participants : 41 974 bateaux en course ! Même s’il n’est pas coutumier de la course au large, César aura réussi à tirer son épingle du jeu en finissant 5478e de cette épreuve à laquelle ont participé deux de ses modèles, Loïck Peyron arrivé 597e et Billy Besson, le quadruple champion du monde tahitien, 949e, ainsi que près de 150 navigateurs polynésiens de tous bords. César, fer de lance de la Team Tahiti constituée des jeunes du Yacht Club de Tahiti, que Loïc Perron a par ail- leurs accepté de coacher pour porter haut les couleurs des partenaires locaux de l’épreuve, skippait pour l’occasion le voilier Tahiti Tourisme. Avec une grosse fierté au passage, celle d’avoir littéralement « explosé » l’ancien record de 11 jours 10 heures 13 minutes et 18 secondes datant de 2008 avec son temps de 10 jours 23 heures 37 minutes et 41 secondes pour 3 570 miles nautiques quand même !



Un sport « comme la Formule 1 », ultra-sophistiqué et très onéreux

Si les conditions, notamment sur le plan si délicat du sommeil, n’étaient pas tout à fait les mêmes lors de cette course virtuelle, César, qui n’était pas totalement néophyte non plus en matière d’épreuves en réseau (il a notamment couru ainsi le Vendée Globe), s’est régalé à découvrir la complexité des nombreux choix stratégiques imposés par cette épreuve, que ses organisateurs espèrent bien quand même faire revivre « pour de vrai » en 2022. Fier aussi d’avoir échappé aux nombreux abandons fréquemment liés à de la « casse sur des récifs ». Voilà qui a contribué à redonner de nouvelles ailes à ce jeune homme aussi charmant que courageux à qui l’on souhaite d’avoir la force d’aller cueillir ses rêves. D’ailleurs, on ne vous a pas parlé du dernier d’entre eux, le plus élevé peut-être : une participation à l’America’s Cup. Un rêve qui associerait sa passion de l’eau avec celle qu’il voue au développement de la science et de l’ingénierie aéronautique.


Un rêve pour lequel il est prêt à faire beaucoup de sacrifices, lui qui a déjà compris que pour être un grand champion dans ce milieu « il fallait souvent savoir vivre aussi avec des difficultés financières... ».



-------------------------------------------------------



Vous souhaitez en savoir plus ?

Dossier à retrouver dans votre magazine Instantane #11 - mars 2021



bottom of page