© Texte & portrait : Virginie Gillet - Iconographies : DR
Petite société de province à l’origine, sous l’appellation des Mutuelles Unies, implantées à Belbeuf, près de Rouen en Seine-Maritime, la société Axa a rapidement pris de l’ampleur après avoir procédé aux rachats de plusieurs autres sociétés. Désormais un groupe français d’importance internationale, spécialisé dans l'assurance depuis sa création dans les années 1980, elle propose également des services liés à la gestion d’actifs depuis 1994. Une activité qui s’inscrit dans la droite ligne de son ADN et que nous détaille Jean-Guillaume Lacarrieu, délégué général AXA France Polynésie française.
Pourquoi et comment la gestion d’actifs s’est-elle imposée comme la suite logique des choses pour AXA ?
Jean-Guillaume Lacarrieu : “D’abord parce que quand les Mutuelles Unies, qui en sont l’origine, ont commencé à prendre de l’ampleur, elles ont racheté des entreprises d’assurance qui faisaient déjà de la gestion de patrimoine. Cette activité se trouvait donc déjà inscrite dans l’ADN de la société. Ensuite, parce qu’avant d’obtenir l’agrément en tant que compagnie d’assurance, il faut disposer de fonds et pas seulement encaisser des primes. Les entreprises qui y prétendent doivent faire la démonstration de leurs capacités financières, disposer d’un patrimoine propre pour faire face aux risques, ce qui implique également de savoir le gérer, le faire fructifier, et ce, indépendamment de ce qui peut être fait pour le compte de quelqu’un d’autre. Nous sommes déjà dans de la gestion d’actifs. Faire profiter nos clients de ces compétences a ainsi que compagnie d’assurance, il faut disposer de fonds et pas seulement encaisser des primes. Les entreprises qui y prétendent doivent été le prolongement de ce savoir-faire, dont la maîtrise nous a également incités à nous positionner sur le créneau de l’assurance-vie.”
Qu’est-ce qui vous distingue d’une banque sur ces créneaux et dans les produits que vous proposez ?
“Des banques peuvent proposer des produits d’assurance-vie, de retraite, une part de leur activité relève de l’assurance tandis qu’AXA peut avoir une part de son activité qui est de la banque. Il y a des périmètres qui se juxtaposent et se recoupent. Mais la démarche n’est pas du tout la même. La banque va d’abord prêter là où l’assurance va collecter ; de ce fait, l’analyse du risque n’est pas du tout la même non plus. La vocation de la banque est de prêter de l’argent et elle le fait en évaluant un risque reposant sur l’espoir qu’on la rembourse. C’est pourquoi les intérêts sont le plus souvent beaucoup plus importants en début d’emprunt. L’assurance, elle, collecte puis place de l’argent. Dans un cas le client s’endette, dans l’autre cas il va confier son argent.”
La banque va d’abord prêter là où l’assurance va collecter
Cela étant posé, quels sont à ce jour les grands types de produits que vous proposez ?
“Nous proposons globalement trois grands types de produits. Le premier, ce sont les obligations (ou emprunts) d’État en fonds euros pour éviter les risques liés au change. Dans ce cadre, les États empruntent, les assureurs prêtent aux États sur la base de remboursements à taux garantis par ces derniers. Il s’agit donc de placements sûrs pour les clients car il n’y a pas de défaillance possible de celui qui a emprunté, les rémunérations sont garanties. Les taux étaient plus intéressants auparavant : ils ont pu atteindre jusqu’à 6 % contre 1 ou 2 % seulement aujourd’hui. Mais le principal avantage de ce produit reste la sécurité qu’il offre. Contrairement au marché actions, un panier actions, le deuxième produit, n’offre aucune garantie aux clients car ces actions sont forcément soumises à une certaine volatilité. Ce qui n’empêche pas de voir après comment on sécurise en fonction notamment du choix des entreprises. Sachant qu’on a déjà vu des séquences boursières où les marchés pouvaient perdre 50 %. Le troisième produit est constitué par les obligations, qui sont adossées à des prêts consentis à des entreprises. Des prêts présentant des taux différents en fonction de certains critères, comme la qualité des entreprises concernées, leur réputation, la durée du prêt, etc. Il y a forcément une sélection, mais là encore, pas de garantie à 100 % quant à l’investissement et au taux de rémunération.”
Comment élaborez-vous, à partir de ces produits, les offres que vous faites à vos clients ?
“Ces produits constituent trois grands leviers de performance. La qualité de gestion repose concrètement sur le mix de ces trois supports dans le respect de la volonté du client, de sa connaissance des marchés financiers, de son horizon de placement, du niveau de risques qu’il est prêt ou pas à assumer. La clé de la sécurité et de la « réussite » d’un placement, c’est la mutualisation. Afin de personnaliser au mieux nos offres, nous commençons donc toujours par établir un profil client basé sur un score reposant sur de nombreux paramètres, et qui peut aussi intégrer au passage ses valeurs, s’il fait une demande en ce sens. Il faut savoir aussi que tout ceci est très réglementé, notamment par des directives européennes qui veillent particulièrement à protéger en la matière les personnes vulnérables, telles que les enfants mineurs ou les personnes âgées. Mais d’une manière générale, nous sommes tenus de nous assurer, à partir de dispositions et baromètres précis, de la connaissance dont disposent nos clients pour évaluer les risques concernant leurs investissements et garantir au mieux ces derniers. Cela implique de trouver vraiment des solutions personnalisées.”
Comment procédez-vous essentiellement pour cela ?
“Plus on a accès à des supports différents, plus on peut affiner, sélectionner des investissements opportuns en nous tenant justement à l’affût des opportunités que peut représenter, par exemple, le fait que des États cherchent à favoriser certains secteurs d’activité, dans le contexte d’engagements internationaux ou régionaux, par le biais d’avantages fiscaux. Nous faisons en sorte d’être à la convergence de ces combinaisons d’opportunités afin que tout le monde puisse être gagnant.”
JEAN-GUILLAUME LACARRIEU : comprendre le monde pour mieux servir ses clients
Jean-Guillaume Lacarrieu, délégué général AXA France Polynésie française, s’est formé en métropole où il a obtenu une maîtrise en sciences économiques à l’université, option économie politique et analyse des marchés financiers, avant d’obtenir un DESS en contrôle de gestion et système d’information au sein de l’Institut d’administration des entreprises de Poitiers. En parallèle, il a exercé une multitude de « petits boulots » (déménageur, sérigraphe, planton, archiviste au sein d’une banque...) afin de financer ses études mais aussi d’acquérir des expériences concrètes, qui lui ont permis d’appréhender différents types de structures et d’organisations. Ce parcours éclectique, très riche tant en enseignements humains que professionnels, lui a permis de mieux comprendre les gens dans leurs contraintes et aspirations du quotidien ; une compréhension qu’il a ensuite eue à cœur de mettre à profit pour mieux les accompagner dans le cadre de ses activités professionnelles ultérieures. En 2000, avant de s’engager résolument dans une carrière, il fait le choix d’un break, une année sabbatique qui prendra la forme d’un tour du monde sac au dos pour donner libre cours à ses propres aspirations sociales et humanitaires. À l’issue de son périple, il rejoint la Polynésie où il a des amis. Il ne tardera pas à entrer chez AXA en tant que contrôleur de gestion ; une société qu’il n’a plus quittée depuis, en dehors d’un bref passage de 6 mois à l’hôtel Sheraton de Moorea en tant que directeur administratif et financier. Chargé successivement des moyens généraux et des ressources humaines, puis du service informatique et du service comptabilité/recouvrement, il deviendra ensuite secrétaire général, puis adjoint au directeur général avant de devenir lui-même délégué général AXA au Fenua en 2015. Un parcours dont il a retenu deux choses essentielles : la grande diversité des profils humains et l’indispensable confiance à accorder à des collaborateurs « qui en savent souvent plus que toi ».
Quelles sont ensuite les possibilités qui se présentent aux clients ?
“Il existe là encore effectivement plusieurs possibilités. La première est une gestion totalement personnalisée laissée à l’arbitrage du client qui compose son propre bouquet. Mais cette option induit une réactivité forte en cas de pertes et requiert de sa part des interventions quand le besoin s’en fait sentir sous peine de déconvenues. Ensuite, nous proposons des « bouquets » déjà tout montés avec une proportion de risques fixée dès le début et qui correspond au profil du client. La gestion se fait par convention et prévoit un rééquilibrage automatique pour maintenir les « prérequis » en fonction de l’évolution des marchés et des critères choisis au départ. Enfin, nous proposons des produits en gestion pilotée ou sous mandat pour lesquels ce sont uniquement des gestionnaires spécialistes d’AXA qui interviennent en disposant d’une large marge de manœuvre pour assurer une gestion très dynamique, adossée en partie à des secteurs très pointus. Ces mécanismes se veulent vertueux car un client tout seul n’aura forcément pas le même poids ni le même impact sur les marchés. Et nous lui proposons aussi de travailler sur la gestion du risque.”
Que représente cette activité pour vous en Polynésie face à vos activités en tant qu’assureur ?
“Les placements représentent globalement 15 à 20 % de notre activité globale. Nous avons 4 conseillers en assurance et placements qui leur sont dédiés pour 16 conseillers en assurance. Mais cela représente aussi un chiffre d’affaires important puisque nous sommes, en Polynésie, sur un volume d’épargne émanant de nos clients de l’ordre de 23 milliards de Fcfp. Avec une tendance à la hausse qui concerne de plus en plus les jeunes, déjà soucieux de la défaillance possible de notre système de retraite. Je précise que nous ne nous occupons que des particuliers à Tahiti. Nous ne gérons pas les fonds de l’entreprise ni d’une personne morale même si nous participons à la collecte de retraites complémentaires ; ce qui se fait certes sous la houlette des entreprises mais toujours pour le compte des salariés.”
GROS PLAN SUR L’ASSURANCE-VIE
L’assurance-vie sert initialement à laisser un capital à un ou des bénéficiaires de son choix en cas de décès. L’argent est alors placé à fonds perdus « dans une grande caisse, en espérant ne pas mourir ». Mais elle sert aussi de plus en plus souvent à préparer sa retraite et a vu son principe évoluer en fonction de ces nouvelles attentes. Ainsi, elle peut désormais fonctionner comme une épargne, un placement rapportant de l’argent au client et non plus être bloquée à fonds perdus en ménageant aussi la possibilité de racheter son placement sous certaines conditions.
Pour finir, quels sont les niches, les produits, les secteurs qui assurent aujourd’hui les plus forts taux de rémunération ou plaisent le plus aux clients en fonction d’autres critères ?
“Je l’ai dit, les taux liés aux obligations d’État sont bien moins intéressants que par le passé, mais ils continuent d’être attrayants pour les garanties qu’ils offrent. Concernant les autres types de produits, les choses sont beaucoup plus aléatoires, notamment en ce moment du fait de la crise. Si certains secteurs comme les pharmaceutiques ou les marchés de l’or ou de l’argent ont pu progresser de 36 % en une année, d’autres comme le tourisme, l’aérien, les cosmétiques sont en berne. D’où la nécessaire mixité et subtilité des placements que nous sommes amenés à proposer pour compenser la volatilité. À partir de là, il ne faut pas perdre de vue que la performance s’apprécie également selon l’horizon de placement. Des investissements lissés dans le temps apportent aussi de la performance. D’où l’intérêt d’envisager des placements réguliers. Enfin, pour en terminer avec les niches, je dirais que les clients veulent avant tout de la performance, mais ils sont de plus en plus nombreux à être sensibles à d’autres critères et valeurs, comme le fait d’investir dans des entreprises locales ou sociales. Ils valorisent le commerce de proximité ou plébiscitent les actions nationales. Certains recherchent aussi spécifiquement les fonds dont le principal actionnaire est le chef d’entreprise. Et si l’immobilier, la « pierre », reste une valeur sûre, on trouve de plus en plus souvent en face les énergies renouvelables, tout ce qui touche à la santé ou à la recherche, ou tout autre considération particulièrement éthique et/ou engagée vers le développement durable.”
Vous souhaitez en savoir plus ?
Dossier à retrouver dans votre magazine Investir à Tahiti #9 - novembre 2021